Qu’un peintre pose sur sa palette les trois couleurs jaune, bleue et rouge, et il pourra composer par mélange toutes les nuances possibles ; mais qu’un opérateur immobilier attribue à sa société civile les trois activités fondamentales (location, construction-vente, ainsi que celle d’achat-revente en l’état relevant du régime des marchands de biens) et il ne pourra obtenir qu’une seule couleur fiscale, celle de l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés (IS), car les deux dernières des trois activités citées ne peuvent pas se combiner entre elles.
Par François Lacroix, avocat associé en fiscalité. Il intervient plus particulièrement dans les secteurs de la fiscalité immobilière, des services publics, des entreprises et des personnes morales publiques ou privées non lucratives. francois.lacroix@cms-fl.com
Ainsi en a-t-il été d’une société civile immobilière (SCI) dont la forme juridique citait les lois de 1964 et 1971 créatrices du statut des SCI de construction-vente, mais dont le code APE définissant son «activité principale» était «6820B locations de terrains et autres biens immobiliers», tandis enfin que son objet statutaire portait sur la «réhabilitation» d’un immeuble «en vue de sa revente». Or, les travaux de «réhabilitation», s’ils peuvent parfois être requalifiables (quand ils sont importants) en travaux de (re)construction, n’en sont pas moins juridiquement et fiscalement d’une nature différente, ce qui a conduit l’administration fiscale et le juge (décision du 14 juin 2018, n° 17LY01630) à estimer que la revente d’immeubles ainsi réhabilités n’avait pu s’opérer qu’«en l’état», sans pouvoir qualifier, de par l’objet statutaire de la SCI vendeur et quelle qu’ait pu être l’ampleur réelle des travaux entrepris, une opération de construction-vente mais de marchand de biens ! Faute d’avoir évalué correctement ses différents paramètres statutaires et de les avoir accordés au régime fiscal recherché, cette SCI a été déchue du régime de translucidité fiscale prévu à l’article 239 ter du Code général des impôts.
De même, dans la palette, bicolore, des régimes fiscaux applicables aux sociétés à forme civile (assujettissement à l’IS ou translucidité fiscale), la SCI de construction-vente ne peut pas davantage choisir son régime : celui-ci ne résultera que de la nature de ses activités.
Certes, par principe non soumises à l’IS, les sociétés civiles ont le droit d’opter pour cet impôt. Mais, deux autres décisions récentes rendues à propos d’options pour l’IS refusent à deux SCI la faculté de choisir leur régime fiscal.
Dans le premier cas (9 novembre 2017, n° 400.474), le Conseil d’Etat a considéré que la SCI exerçait en fait une activité de marchand de biens, fiscalement commerciale, impliquant que les reventes d’immeubles par des SCI soient par nature automatiquement soumises à l’IS. Dès lors, l’option préalablement exercée était inopérante, ainsi donc que les vices de forme ayant affecté sa signature, ce dont avait entendu vainement se prévaloir la SCI pour échapper aux cotisations d’IS qui lui étaient réclamées.
Au contraire, dans la seconde affaire (16 novembre 2017, 16NT00992), une SCI de construction-vente avait inutilement formé option pour son assujettissement à l’IS, passant outre l’interdiction d’opter dont le régime de translucidité de cette catégorie de SCI est assorti. Validant la remise en cause de l’option par l’administration fiscale, le juge témoigne dans sa décision d’un soin particulier mis à justifier du caractère exclusif de l’activité de construction-vente et de la translucidité fiscale qui en découle, empêchant ainsi les associés de la SCI d’obtenir la reconnaissance de l’assujettissement à l’IS de celle-ci et la décharge des cotisations d’impôt sur le revenu mises à leur charge.
Illustrant la rigidité fiscale de cette forme juridique, ces deux décisions rappellent aux contribuables qu’invoquer un changement de régime d’imposition n’est possible qu’au cas où la SCI vient à exercer une véritable activité de marchand de biens (voir l’article «SCI de construction-vente : l’objet statutaire prime», paru dans la Lettre de l’Immobilier du 6 février 2017, en partenariat avec le magazine Option Finance).