Le pas-de-porte, ou droit d’entrée, est une somme que le locataire verse au bailleur lors de son entrée dans les lieux et qui reste définitivement acquise à ce dernier.
Par Philippe Tournès, avocat associé en TVA. Il conseille et assiste les entreprises dans l’ensemble des sujets relatifs à la TVA, notamment liés à l’immobilier. philippe.tournes@cms-bfl.com
Au plan juridique, le pas-de-porte constitue, selon les circonstances :
– un supplément de loyer payé d’avance lorsqu’il compense un loyer inférieur au prix de marché ; ou
– la contrepartie d’éléments de natures diverses, notamment d’avantages commerciaux sans rapport avec le loyer ; ou
– la contrepartie de la dépréciation de l’immeuble résultant des droits que le statut des baux commerciaux accorde au locataire (droit au renouvellement ou droit à indemnité d’éviction).
Au plan de la TVA, l’administration fiscale a précisé : «Pour les prestations de services, la base d’imposition à la TVA est constituée par le prix des services ou la valeur des biens ou services reçus en paiement, tous frais et taxes compris à l’exclusion de la TVA elle-même. A ce titre, toutes les sommes exigées des preneurs de bail doivent, quelle que soit leur dénomination (droits d’entrée, pas-de-porte, loyers d’avance, etc.), être incluses dans le chiffre d’affaires imposable à la TVA dès leur versement si le bailleur est redevable de la taxe, dans la mesure bien entendu où elles présentent le caractère de compléments de loyers.»
Un arrêt de la cour administrative d’appel (CAA) de Versailles du 23 mars 2017 est, à notre connaissance, le premier à se prononcer sur le régime de TVA du pas-de-porte.
En l’espèce, l’article du contrat de bail intitulé «droit d’entrée» stipulait que «le bailleur met à la disposition du preneur un local dans un centre bénéficiant d’une attractivité commerciale préexistante. (...) Ce droit d’entrée restera définitivement acquis au bailleur, dès la prise d’effet du bail, en contrepartie des avantages de la propriété commerciale conférée au preneur (...)».
La CAA de Versailles considère que ledit contrat de bail avait notamment pour objet de permettre la transmission au preneur d’un droit au bail sur des locaux dans lesquels s’exerçait une activité ; que ce contrat doit, par suite, être regardé comme un transfert d’une partie autonome d’une entreprise au sens de l’article 257 bis du Code général des impôts (CGI) permettant la poursuite d’une activité économique, alors même qu’il n’y aurait pas transmission d’un fonds de commerce. Dès lors, ce pas-de-porte ne devait pas être soumis à la TVA au niveau du bailleur, et la CAA de Versailles approuve l’administration fiscale d’avoir interdit au locataire de récupérer la TVA qui lui avait été facturée à cette occasion par le bailleur.
Son raisonnement est fondé sur l’article 257 bis du CGI qui répute inexistants, au regard de la TVA, les transferts du pouvoir de disposer de biens comme un propriétaire et les prestations de services, en cas de transfert d’une universalité totale ou partielle de biens. Cette disposition s’applique à tout transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d’une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome, à la condition que le bénéficiaire du transfert ait l’intention d’exploiter le fonds de commerce ou la partie d’entreprise qui lui est transmise.
La CAA de Versailles considère donc que le bailleur qui donne des locaux à bail cède une partie de son entreprise.
Cette solution nous laisse sceptique car le simple droit au bail n’est pas un élément suffisant pour que le locataire puisse exercer une activité commerciale. De plus, lorsque le bailleur n’exploitait pas précédemment un fonds de commerce dans ces locaux, aucun élément ne disparaît de son patrimoine et aucune partie d’une entreprise précédemment exploitée n’est transférée au locataire. Enfin, le pas-de-porte ne confère aucun droit de propriété, ou droit réel au locataire…