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Exigibilité des loyers commerciaux et Covid-19

Publié le 23 septembre 2022 à 15h11

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 4 minutes

Par Laura Cohen, avocat en droit immobilier. Elle conseille les investisseurs, gestionnaires d’actifs et sociétés immobilières et les accompagne dans le cadre de leurs projets immobiliers nationaux et transfrontaliers. laura.cohen@cms-fl.com / Christelle Labadie, Professional Support Lawyer en droit immobilier. Elle intervient notamment sur les questions législatives et réglementaires en droit immobilier. christelle.labadie@cms-fl.com

Par trois arrêts rendus le 30 juin 2022, la Cour de cassation a mis fin au suspense de l’exigibilité des loyers commerciaux dus pendant l’état d’urgence sanitaire et tranché en faveur des bailleurs (1).

Une solution qui a pu tenir compte de la note du ministère de l’Economie versée aux débats (mettant en avant les dispositifs d’aides et les 3 milliards d’euros immobilisés au titre des loyers et charges).

Les mesures prises par les autorités publiques écartent-elles le droit commun de la relation contractuelle ?

Non, le droit commun des contrats reste applicable.

L’interdiction de recevoir du public : quid de la suspension du paiement des loyers ?

L’interdiction de recevoir du public conduit à l’impossibilité temporaire, pour les preneurs, d’exploiter les locaux loués conformément à leur destination. Les preneurs invoquaient donc plusieurs fondements pour justifier la suspension du paiement des loyers.

L’interdiction de recevoir du public : un cas de force majeure invocable par le preneur ?

Face à un argument ayant rarement prospéré, la Cour de cassation confirme que l’interdiction de recevoir du public ne constitue pas un cas de force majeure susceptible de justifier la suspension du paiement des loyers.

Dans le prolongement d’un arrêt rendu en 20202, elle considère que seul le débiteur d’une obligation peut invoquer la force majeure. Or, le preneur n’était pas dans l’impossibilité d’exécuter son obligation de paiement des loyers. Et la Cour de cassation rappelle que celui qui n’a pu profiter de la contrepartie de son obligation ne peut pas invoquer la force majeure pour se soustraire à l’exécution de celle-ci.

A signaler : dans le cadre d’un des litiges3, le preneur sollicitait l’application de la clause du bail qui prévoyait une réduction du loyer en cas de force majeure interrompant l’activité touristique et résultant notamment d’une entrave administrative ou autre au libre accès aux lieux loués ou à la circulation des personnes et des biens, sauf indemnisation par un assureur. Le preneur produisait une attestation d’un commissaire aux comptes attestant l’absence d’indemnisation.

On regrettera que la Cour de cassation ait écarté ce moyen sans développer sa motivation.

L’interdiction de recevoir du public : un manquement du bailleur à l’obligation de délivrance justifiant une exception d’inexécution du preneur ?

La Cour de cassation écarte ce moyen en adoptant étonnamment deux raisonnements différents. Elle considère, d’un côté, que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public ne constitue pas une inexécution de l’obligation de délivrance4 et, de l’autre, que cette interdiction n’est pas imputable au bailleur5.

L’interdiction de recevoir du public : une perte partielle de la chose louée ?

Alors que ce moyen prospérait de plus en plus fréquemment devant les juridictions du fond, la Cour de cassation l’écarte pourtant. Elle considère que l’effet de l’interdiction de recevoir du public « mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué », n’est pas assimilable à la perte de la chose louée.

Les autres enseignements tirés des arrêts de la Cour de cassation

La mauvaise foi du bailleur

Son appréciation est soumise au pouvoir souverain des juges du fond, mais à la lecture d’un des arrêts6, il apparaît que la preuve de la mauvaise foi du bailleur pourrait être difficile à rapporter. Ainsi, est considéré de bonne foi, le bailleur qui a vainement proposé au preneur de différer le règlement du loyer du mois d’avril 2020.

Référés : l’obligation de payer les loyers est-elle sérieusement contestable ?

La Cour de cassation considère que cette obligation n’est pas sérieusement contestable.

Quid de l’imprévision ?

Si le doute subsiste, ce moyen ne serait en tout état de cause invocable qu’en présence de baux conclus à compter du 1er octobre 2016 (et sous réserve que l’imprévision n’ait pas été écartée contractuellement). 

1. Cass. 3e civ., 30 juin 2022,

n° 21-19.889 ; Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.127 ; Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.190.

2. Cass. 1e civ., 25 novembre 2020,

n° 19-21.060.

3. Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.127.

4. Cass. 3e civ., 30 juin 2022,

n° 21-19.889 ; Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.190.

5. Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.127.

6. Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.190.


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