Une jurisprudence récente rappelle que la tolérance de 20 % censée protéger les parties à une cession de titres d’une critique de leur valorisation par l’administration fiscale ne doit pas être considérée comme une protection absolue.
La cession des titres d’une société non cotée confronte souvent les parties d’une part, à un enjeu fiscal significatif en termes d’imposition sur la plus-value et de droits de mutation – notamment lorsque la société cédée est à prépondérance immobilière -, et d’autre part, à des incertitudes sur la valorisation des titres à retenir pour fixer le prix de la transaction.
Dans un contexte où les dernières jurisprudences sur les cessions à prix minoré ou majoré ont eu tendance à permettre à l’Administration de qualifier plus aisément un écart de valorisation d’acte anormal de gestion ou de libéralité, les contribuables se sont longtemps fondés, pour se rassurer, sur le principe que ne pouvait pas justifier un redressement un écart non significatif, inférieur à 20 % du prix, seuil défini par le rapporteur public sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 3 juillet 2009 (8e et 3e s.-s., n°301299).
Depuis 2009, même si ce seuil de 20 % résultait plus d’une règle non écrite que d’une définition formelle et même si son application aux sociétés immobilières pouvait prêter à discussion, il semblait respecté scrupuleusement par les juridictions. Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 26 octobre 2021 (9e ch., n°426462, Sté Crédit Agricole), passé relativement inaperçu, nuance nettement la portée de ce principe en annulant un arrêt qui avait jugé qu’un écart de 14,1 % ne pouvait donner lieu à critique.
En substance, le Conseil d’Etat estime que l’appréciation de l’écart significatif dépend du niveau d’incertitude qui affecte les paramètres de la valorisation (nature des actifs de la société, notamment). Par conséquent, si l’évaluation est fiable, un écart bien inférieur à 20 % peut être significatif et donc sanctionnable.