La lettre de l'immobilier

Septembre 2014

Transfert du droit au bail et TUP : la loi met de l’ordre

Publié le 19 septembre 2014 à 11h42    Mis à jour le 19 septembre 2014 à 15h53

Christophe Lefaillet

Nécessaire à l’activité économique de toute société, le bail commercial est soumis à un statut dérogatoire au droit commun par le législateur afin de protéger la poursuite de l’activité. Cette protection des intérêts du commerçant trouve ici une nouvelle occasion de s’affirmer.

 Par Christophe Lefaillet, avocat associé, spécialisé en fiscalité (droits d’enregistrement et ISF) et en droit des sociétés, CMS Bureau Francis Lefebvre. Il intervient particulièrement dans les opérations de fusions- acquisitions du secteur immobilier.

L’article L. 145-16 alinéa 2 du Code de commerce dans sa version antérieure à la loi Pinel1 prévoyait expressément un mécanisme particulier de transmission du droit au bail dans les hypothèses de fusion ou d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions (APA). La société absorbante ou bénéficiaire de l’apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail (C. Com. L. 145-16 al. 2).

Toutefois, ce texte n’apportait aucune précision relative à la transmission d’un bail commercial lors d’une dissolution sans liquidation d’une société unipersonnelle au bénéfice de son associé unique personne morale ; opération plus couramment appelée «TUP».

Dans le silence de la loi, plusieurs voix s’étaient élevées parmi les cours d’appel2 et une certaine cacophonie en avait résulté.

Par un arrêt du 9 avril 20143 la Cour de cassation a considéré que le transfert du droit au bail intervenant dans le cadre d’une TUP n’est pas une cession de droit au bail mais s’analyse comme le transfert de plein droit de l’ensemble des biens et droits de la société dissoute. Il en résulte que l’accord du bailleur n’était pas nécessaire au transfert du bail.

La Cour procède ici à une convergence entre la transmission d’un bail intervenant à l’occasion d’une fusion ou d’un APA et une TUP. Cet arrêt est donc bienvenu et ce d’autant plus qu’il anticipait de peu l’harmonie apportée par la loi Pinel.

En effet, le législateur dans sa nouvelle rédaction de l’article L. 145-16 confirme la position prise par la Haute juridiction en étendant le régime applicable au transfert d’un bail commercial lors d’une fusion ou d’un apport partiel d’actif au transfert du droit au bail à l’occasion d’une TUP. Il convient par ailleurs de noter que le législateur en a profité pour viser expressément les scissions comme bénéficiant du dispositif de l’article L. 145-16 susvisé reprenant ainsi également une jurisprudence4 récente.

Il en résulte que désormais le transfert d’un bail commercial par l’effet d’une TUP ou scission est soumis au même régime que si ce transfert intervenait lors d’une fusion ou d’un APA.

Ce régime emporte deux effets particulièrement importants et déterminants.

Tout d’abord, il faut retenir que l’alinéa 2 de l’article L. 145-16 rend inopérantes toutes les clauses ayant pour objet ou effet de limiter ou encadrer la transmission du bail commercial. Ainsi ne sont pas opposables par le bailleur les clauses imposant des formalités particulières à l’instar des clauses d’agrément, de droit de préemption ou même des clauses stipulant un intuitu personae entre la société locataire dissoute et le bailleur. De même, puisqu’il ne s’agit pas d’une cession de droit au bail, le bailleur ne peut pas utilement se prévaloir de l’inobservation des formalités prévues par l’article 1690 du Code civil. C’est-à-dire qu’aucune des opérations envisagées par cet article n’a à être signifiée au bailleur pour que la transmission soit opposable.

Le bailleur des locaux loués à la société bénéficiaire de la TUP ne dispose que d’un recours relativement peu protecteur, puisque, en application de l’alinéa 3 de l’article L. 146-16, il n’a que la faculté de demander au tribunal des garanties supplémentaires.

1. Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

2. Voir notamment : CA Paris, 13 oct. 2004, n° 03/11378 ; CA Paris, 24 juin 1997, n° 95/1237.

3. Cass. civ. 3e, 9 avril 2014,

n° 13-11 640.

4. CA Versailles, 22 sept. 2011, n° 10/04401.


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