La loi prévoit des mesures particulières lorsque la transmission d’un bail commercial intervient dans le cadre de la fusion de la société locataire ou d’un apport partiel d’actif.
Par Christophe Lefaillet, avocat associé, spécialisé en fiscalité (droits d’enregistrement et ISF) et en droit des sociétés.
Les restructurations ne sauraient être un prétexte pour rompre un contrat de bail. La fusion entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît au bénéfice des sociétés existantes ou nouvelles qui le recueillent (article L. 236-3 du code de commerce). De même, l’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions emporte transfert universel de patrimoine.
C’est en raison de l’importance toute particulière du contrat de bail pour l’activité de la société que le législateur a expressément envisagé sa continuation de plein droit en cas d’opérations de restructuration. En application de l’article L. 145-16, alinéa 2 du code de commerce, en cas de fusion de sociétés ou d’apport partiel d’actifs soumis au régime juridique des scissions en application de l’article L. 236-22 du code de commerce, la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l’apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail.
Selon la cour d’appel de Paris1, la substitution prévue à cet article s’opère de plein droit, cela «quelles que soient les clauses contraires ou restrictives du bail, la cession du bail se trouvant englobée dans la transmission d’une universalité» ; de plus, ce mécanisme de subrogation légale est d’ordre public. En d’autres termes, la transmission du bail est réalisée automatiquement sans aucune autre formalité que celles prévues par le droit des sociétés.
Il en résulte que le bailleur ne peut pas se prévaloir de clauses restrictives du bail imposant des formalités particulières pour une cession de bail. En conséquence, une clause qui imposerait l’agrément du bailleur en cas de cession ne pourrait pas être appliquée en cas de fusion et d’apport partiel d’actifs soumis au régime juridique des scissions.
Le bailleur ne peut pas non plus se prévaloir de l’inobservation des formalités prévues par l’article 1690 du Code civil. La fusion ainsi que l’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions n’ont donc pas à être signifiés au bailleur.
Le bailleur de locaux loués aux sociétés absorbées ou apporteuses a seulement la faculté de demander au tribunal des garanties supplémentaires, en application de l’alinéa 3 de l’article L. 145-16 susvisé.
La question s’est posée, en outre, de savoir si, au sein des sociétés commerciales, l’alinéa 2 de l’article L. 145-16 du code de commerce s’appliquait aux sociétés à responsabilité limitée (SARL), dans la mesure où l’article L. 236-22 semblait envisager seulement les sociétés anonymes (SA). La Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 30 avril 20032 que cet alinéa s’applique aux apports partiels d’actifs entre SARL au motif que les SARL, comme les SAS, peuvent décider de les soumettre au régime des scissions. Par suite, cet alinéa a été modifié par l’article 16 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012.
En définitive, l’article L. 145-16 du code de commerce est aujourd’hui applicable à tout apport partiel d’actif entre des sociétés commerciales, même de formes différentes, placé sous le régime des scissions. En revanche, l’apport par une société d’une partie de ses activités à une autre société, effectué sans que les parties à la convention ne l’aient soumis au régime des scissions, obéit au droit commun de la cession de créance régie par l’article 1690 du Code civil. Il en résulte que le transfert du bail commercial intervenu à l’occasion de cet apport sans avoir été signifié au bailleur est inopposable à ce dernier.