Les sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC) et leurs filiales sont tenues à des obligations de distribution de leurs revenus nets locatifs, de leurs plus-values nettes et des dividendes perçus de filiales ayant opté pour le régime des SIIC sous peine de perdre l’exonération d’impôt sur les sociétés (IS) dont elles bénéficient, à raison cependant des bénéfices, plus-values et dividendes non distribués en contravention des dispositions fiscales applicables.
Par Gaëtan Berger-Picq, avocat associé en TVA. Il conseille et assiste les entreprises, notamment en immobilier, dans l’ensemble des sujets relatifs à la TVA et à la taxe sur les salaires ainsi que dans le suivi et la gestion des contrôles et contentieux fiscaux. gaetan.berger-picq@cms-bfl.com
Selon la Cour, l’exonération prévue par la directive TVA vise la généralité des «fonds communs de placement» sans se limiter à une forme déterminée de placement, ni distinguer en fonction des actifs dans lesquels les fonds sont investis (voir l’article 135 paragraphe 1 g de la directive 2006/112).
Ainsi, les fonds immobiliers dont la gestion entre dans le champ de l’exonération sont ceux :
– qui présentent des caractéristiques comparables aux organismes de placement collectifs définis par la directive OPCVM. Tel est le cas lorsque l’objectif poursuivi est le placement collectif de capitaux et que le fonctionnement du fonds repose sur le principe de répartition des risques ;
– et qui sont soumis à une surveillance spécifique au niveau national ou communautaire.
Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) répondent ainsi à ces critères, étant notamment agréés par l’Autorité des marchés financiers.
Pour être exonérées de TVA, les prestations de gestion doivent, selon la Cour, être spécifiques à l’activité du fonds. Il en va ainsi de celles qui se rapportent au choix, à l’achat et à la vente des actifs du fonds, ainsi que des tâches d’administration et de comptabilité qui s’y rapportent, même si elles sont réalisées par un tiers. Les opérations relatives à l’exploitation des biens immobiliers restent, en revanche, exclues de l’exonération car elles ne sont pas spécifiques au fonds.
En l’état, la législation fiscale française n’est pas conforme à cette interprétation car l’article 261 C 1° f du Code général des impôts (CGI) exclut du champ de l’exonération la gestion des OPCI.
Cette divergence offre un choix aux opérateurs réalisant des prestations de gestion d’OPCI :
– soit d’appliquer les dispositions légales internes en soumettant leurs services à la TVA, ce qui ne peut évidemment pas leur être reproché par l’Administration ;
– soit d’appliquer directement les dispositions de la directive telles qu’interprétées par la CJUE, en exonérant de TVA leurs services de gestion (sauf option pour la taxation volontaire de l’article 260 B du CGI). Cette voie les expose à un risque de rehaussement de l’administration fiscale, mais le litige qui pourrait en résulter devrait être tranché en leur faveur s’ils reprennent strictement l’interprétation de la CJUE, car elle s’impose à toutes les juridictions.
La taxation à la TVA présente l’avantage d’ouvrir au prestataire des droits à déduction et de minimiser ou d’exclure son assujettissement à la taxe sur les salaires. Elle crée en revanche une surcharge fiscale lorsque le fonds n’est pas lui-même récupérateur de la TVA.
L’exonération présente un intérêt lorsque le fonds gère des actifs en exonération de TVA et ne bénéficie donc pas de droits à déduction. Cela étant, avant d’arrêter son choix, la société de gestion prendra soin de mesurer la perte prévisible de droits à déduction de TVA qu’il implique, ainsi que le coût qu’il peut induire en taxe sur les salaires.
L’arrêt de la CJUE n’ayant en outre fait que révéler le droit, il est possible d’envisager une action en vue d’obtenir la restitution de la TVA «collectée à tort» sur la période passée, non couverte par la prescription.
L’Administration a annoncé une mise en conformité prochaine du droit français. Le choix entre l’exonération et la taxation restera toutefois possible, grâce à l’option de l’article 260 B du CGI.