La réforme du droit des contrats issue de l’ordonnance du 10 février 2016 emporte de nombreuses conséquences sur les baux commerciaux, ce qui impacte nécessairement la rédaction de ces contrats.
Par Aline Divo, avocat associé en droit immobilier. Elle intervient dans tous les domaines du droit immobilier et notamment dans la rédaction, la négociation et le contentieux des baux commerciaux, tant côté locataire que côté bailleur. Elle est coauteur du Mémento Expert Francis Lefebvre Baux commerciaux. aline.divo@cms-bfl.com
Parmi les nouveautés à relever, il convient de noter l’article 1170 du Code civil, lequel dispose que «toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite». En matière de bail commercial, l’obligation essentielle du bailleur est celle de délivrer la chose louée, prévue à l’article 1719, 1° du Code civil. Il s’agit d’une obligation inhérente au contrat de bail. Dès lors, aucune stipulation particulière n’est nécessaire dans le bail pour que le bailleur y soit obligatoirement tenu. En général, les baux commerciaux prévoient des clauses qui portent plus ou moins atteinte à cette obligation. Toutefois, la jurisprudence considère que l’obligation de délivrance est d’ordre public. Le bailleur ne peut, par le biais d’une clause relative à l’exécution de travaux, s’affranchir de cette obligation.
De même, il a été jugé que le bailleur ne peut prétendre se décharger sur le locataire de l’obligation de garantir les vices de la chose louée. La jurisprudence actuelle ne valide pas les clauses qui vident de sa substance l’obligation de délivrance du bailleur mais n’a jamais jugé que ces clauses devaient être réputées non écrites. Or, il résulte de la réforme du droit des contrats qu’un locataire, titulaire d’un bail commercial conclu ou renouvelé à compter du 1er octobre 2016, qui considère qu’une clause de son bail prive de sa substance l’obligation de délivrance du bailleur, peut saisir le juge pour demander que la clause soit réduite à néant et ce, sans que son action soit encadrée dans un délai de prescription. Il s’agit d’une innovation importante en matière de bail commercial dès lors que la violation de l’obligation de délivrance du bailleur est fréquemment invoquée par les preneurs devant les tribunaux.
A ce jour, la question de savoir si l’article 1170 du Code civil aurait vocation à s’appliquer également aux deux autres obligations majeures du bailleur visées à l’article 1719, 2° et 3° du Code civil, à savoir l’obligation d’entretenir la chose louée en l’état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et l’obligation de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail, n’a pas été tranchée. Le fait que l’article 1170 du Code civil vise «l’obligation essentielle» et non «une obligation essentielle» n’est pas un argument suffisant pour limiter l’application de cet article à l’obligation de délivrance du bailleur. Dans ces conditions, et en l’attente de décisions jurisprudentielles sur la portée de l’article 1170 du Code civil, la prudence recommande d’être vigilant dans la rédaction des baux commerciaux en ce qui concerne toutes les clauses relatives à la délivrance des locaux, aux travaux et aux clauses qui restreignent la jouissance paisible de la chose louée (clauses de souffrance qui dérogent aux dispositions de l’article 1724 du Code civil). Il n’est pas exclu que la jurisprudence, sur le fondement de l’article 1170 du Code civil, répute non écrites des clauses qui, jusqu’à présent, étaient régulièrement insérées dans des baux commerciaux, notamment dans les baux de centres commerciaux et les baux investisseurs.
L’invocation de l’article 1170 du Code civil sera particulièrement tentante pour un preneur dès lors que cet article, contrairement à l’article 1171 du Code civil qui répute non écrite une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, n’est pas limité au contrat qualifié de contrat d’adhésion.