Depuis l’instauration de la contribution économique territoriale composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) et leurs filiales, dont l’activité est de louer nus des immeubles à usage professionnel, sont clairement imposables.
Par Laurent Chatel, avocat associé en fiscalité, responsable du service impôts locaux. Dans le cadre des opérations immobilières, il est amené à contrôler les valeurs foncières servant d’assiette à la fiscalité locale, à auditer lesdites valeurs dans le cadre des «deals» de cession de parcs immobiliers et à négocier avec les services fiscaux les conditions d’imposition à la fiscalité locale en matière d’opérations de restructurations lourdes. laurent.chatel@cms-bfl.com
C’est pourquoi, lors des négociations intervenues entre les organisations professionnelles et les services de Bercy en charge de l’élaboration des textes, celles-ci avaient permis d’obtenir une entrée en sifflet dans la CVAE sur 10 ans, codifiée à l’article 1586 sexies II du Code général des impôts. Ainsi, la valeur ajoutée servant d’assiette à la CVAE n’est retenue que pour 10 % en 2010, 20 % en 2011, etc., jusqu’à 90 % en 2018.
L’imposition des sociétés foncières a clos un important contentieux qui se développait dans les dernières heures de la taxe professionnelle à la fin des années 2000. En effet, plus de trente ans après l’instauration de la taxe professionnelle, les services fiscaux ont estimé tardivement pouvoir imposer les bailleurs en s’appuyant essentiellement sur l’importance de leur parc immobilier et des moyens mis en œuvre pour réaliser la gestion locative.
Si ces arguments ont finalement été balayés par la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE du 25 septembre 2013, n° 350893), les juridictions ont été sensibles au fait qu’une imposition de l’activité de location nue d’immeubles professionnels relevait de la taxe professionnelle si les bailleurs pouvaient être considérés comme participant à l’activité de leur locataire.
Ainsi, et de façon surprenante, est considéré comme caractérisant l’implication du bailleur dans la gestion du locataire le fait qu’une clause du bail prévoit l’existence d’une variabilité du loyer en fonction du chiffre d’affaires de l’occupant (CE du 27 juillet 2015, n° 370352 ou du 9 novembre 2015, n° 374744).
Pour l’application du mécanisme édicté à l’article 1586 sexies II, les services vérificateurs s’appuient désormais sur cette jurisprudence récente pour affirmer que seules les SIIC louant sans loyer variable, et dont l’exonération de taxe professionnelle n’était pas remise en cause, seraient éligibles au lissage sur 10 ans de la CFE.
En revanche, les SIIC dont les baux prévoient des loyers variables (généralement au cas des commerces), sous prétexte qu’elles auraient dû être imposables à la taxe professionnelle, sont contestées à raison du lissage qu’elles pratiquent.
Si une décision rendue par le tribunal administratif de Paris a clairement validé le lissage quand bien même la société avait été redressée en taxe professionnelle, les services vérificateurs maintiennent systématiquement leurs redressements.
Face à un tel redressement, et l’étonnement passé, il faut se rendre à l’évidence selon laquelle ce qui n’est pas expressément écrit n’est pas forcément compréhensible.
Pourtant, les débats parlementaires visaient explicitement les SIIC de sorte que l’Administration ne peut ignorer que ces structures étaient concernées par le lissage.
L’évolution récente de la jurisprudence écartant l’imposition en taxe professionnelle de sociétés foncières louant sans loyer variable leurs immeubles est, sans aucun doute, un élément décisif pour contester la suppression du lissage.
Pour celles dont le loyer comporte une part de variabilité en fonction du chiffre d’affaires de leurs locataires, il reste à s’armer de patience et à poursuivre le contentieux initié.
Il est évident que les tribunaux risquent d’être sensibles à l’argument de l’Administration selon lequel une application généralisée du lissage à toutes les sociétés foncières, y compris celles dont l’imposition à la taxe professionnelle a été reconnue, constituerait un effet d’aubaine au détriment des collectivités locales.
Avec la fin du lissage en 2019, ce contentieux est cependant voué à disparaître.