La pratique constate l’intervention croissante des organismes de placement collectif immobilier (OPCI) – on évoquera de fait les seules sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) – et de leurs filiales dans l’acquisition d’actifs immobiliers ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière (SPI) et la relative stabilité du nombre des sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC). Quant aux SPI objet des transactions, certaines sont d’ores et déjà filiales de SIIC ou d’OPCI ayant opté pour le régime lorsque d’autres ne le sont pas encore.
Par Richard Foissac, avocat associé en fiscalité. Il traite notamment des dossiers d’acquisition et de restructuration de groupes immobiliers cotés ou non cotés et les conseille sur leurs opérations. Il est chargé d’enseignement en droit fiscal aux Universités Paris I et Nice Sophia-Antipolis. richard.foissac@cms-bfl.com
Il découle de cette situation que, dans les réflexions fiscales menées pour les besoins de l’acquisition d’actifs immobiliers ou de titres de SPI, figure désormais à titre principal celle de la fiscalité de la structure d’acquisition et de son positionnement au regard du régime fiscal des SIIC et/ou des OPCI.
Par ailleurs, et plus en amont, se pose la question de l’adéquation de la structure existante au regard des contraintes, notamment réglementaires, dont elle relève. Nous évoquerons ainsi, ci-après, trois situations particulières pour lesquelles les conséquences fiscales ne sont pas neutres.
Transformation d’une SIIC ou d’une filiale SIIC en SPPICAV
Il n’existe toujours pas de régime de faveur permettant la transformation d’une SIIC ou d’une filiale SIIC en SPPICAV. Or, l’intérêt d’une telle transformation peut être notamment trouvé dans les contraintes qui pèsent sur les SIIC en termes de détention du capital puisque le capital ou les droits de vote des SIIC cotées ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement, à hauteur de 60 % ou plus par une ou plusieurs personnes agissant de concert au sens de l’article (hors SIIC). Une telle «mutation», si elle permet de quitter le cadre des SIIC jugé parfois trop contraignant pour des structures de taille moyenne, tout en conservant le bénéfice d’un régime fiscal presque identique, reste exposée à un coût fiscal élevé, surtout si elle intervient moins de dix ans après l’option SIIC, puisqu’elle entraîne les conséquences d’une sortie, puis d’une nouvelle entrée dans le régime SIIC.
Une telle transformation oblige en effet à devoir tirer, tout d’abord, toutes les conséquences de la sortie du régime SIIC, à savoir : imposition des résultats réalisés depuis le premier jour de l’exercice de transformation dans les conditions de droit commun et, si l’événement se produit dans les dix ans suivant l’option :
– exigibilité d’un complément d’impôt sur les sociétés (IS) sur les plus-values latentes imposées lors de l’entrée dans le régime calculé à un taux correspondant à la différence entre le taux de droit commun (33,33 % majoré, le cas échéant, des contributions additionnelles et le taux réduit appliqué à l’époque de l’option soit 16,5 % ou 19 %) ;
– réintégration dans les bénéfices imposables de la fraction du bénéfice distribuable au sens du premier alinéa de l’article L. 232-11 du Code de commerce, existant à la date de clôture de l’exercice de sortie et provenant de résultats antérieurement exonérés au titre du régime SIIC ;
– taxation au taux de 25 % des plus-values latentes acquises pendant le régime, diminuées d’un dixième par année civile écoulée depuis l’entrée dans celui-ci.
Par ailleurs, une difficulté supplémentaire existe si la SIIC dispose d’un secteur non exonéré puisqu’une SPPICAV est intégralement exonérée d’IS et ne peut, par définition, conserver ce secteur, d’où la nécessité d’y mettre fin et de tirer les conséquences fiscales qui s’y attachent.
A l’ensemble de ces conséquences, il convient ensuite d’acquitter, en principe, un nouvel exit tax au taux actuel de 19 %, à raison des plus-values latentes existant sur les immeubles et parts de sociétés de personnes relevant du régime de l’article 8 du Code général des impôts (CGI) ayant un objet comparable à celui des SIIC. Il faut noter à ce titre que la taxation précitée au taux de 25 % des plus-values latentes ne fait pas obstacle (ni ne vaut crédit d’impôt) à l’exigibilité de ce nouvel exit tax.
Ces conséquences sont identiques, selon l’Administration, en présence d’une filiale SIIC. Or, la position contenue dans la décision de rescrit du 24 avril 2012 (rescrit n° 2012/32 FE), non rapportée ou modifiée à ce jour, – selon laquelle la sortie du régime SIIC d’une filiale de SIIC, dans les dix ans de l’option pour le régime d’exonération à un acquéreur ne bénéficiant pas du même régime fiscal, entraîne pour cette filiale les mêmes conséquences qu’en cas de sortie de la SIIC mère du régime –, ne paraît toujours pas conforme au texte et à l’esprit de l’article 208 C IV du CGI.
Transformation d’une société de capitaux n’ayant pas opté pour le régime des SIIC en SPPICAV
Une telle opération entraîne les conséquences d’une cessation d’entreprise conformément aux dispositions de l’article 221-2 du CGI et ainsi, notamment, l’imposition au taux de 19 % des plus-values latentes sur les immeubles et parts de sociétés de personnes non soumises à l’IS ayant un objet identique à celui des SIIC.
Une atténuation doit cependant être mentionnée concernant l’imposition des plus-values latentes sur les titres de filiales soumises à l’IS qui optent elles-mêmes pour le régime des SIIC. Dans une telle situation, l’administration fiscale (BOI-IS-CHAMP-30-20-20 n° 150, 12-09-2012) admet, afin d’éviter une double imposition, que les plus-values latentes sur les titres en question ne soient pas immédiatement imposées, pour autant cependant que les plus-values qui seront réalisées ultérieurement par l’associé soient calculées par rapport à la valeur fiscale des titres en question avant l’entrée dans le régime SIIC. L’Administration a pu admettre étendre cette solution, initialement réservée aux cas d’option pour le régime des SIIC, aux transformations en SPPICAV.
Cession d’une filiale ayant opté pour le régime des SIIC entre SIIC et OPCI
Les SIIC et les OPCI peuvent, depuis le 1er janvier 2010, constituer des filiales communes. Jusqu’alors, cette possibilité ne leur était pas offerte, du moins dans le cadre du régime SIIC, dès lors que la loi réservait l’option pour ce régime aux sociétés détenues directement ou indirectement à 95 % au moins, soit par une ou plusieurs SIIC, soit par une seule et même SPPICAV. II faut par ailleurs rappeler que la filiale commune doit impérativement revêtir la forme d’une société de capitaux pour pouvoir être éligible au régime SIIC, dès lors que la combinaison des articles 208 C III bis du CGI et L. 214-92, l-c du Code monétaire et financier (CMF) conduit en effet à exclure de l’option les sociétés de personnes soumises à I’IS, à la différence de celles qui sont détenues à 95 % au moins par une ou plusieurs SIIC exclusivement.
Dans la mesure où l’article 208 C III bis du CGI vise les filiales détenues à 95 % au moins, directement ou indirectement et de manière continue au cours de l’exercice, individuellement ou conjointement par une ou plusieurs SPPICAV ou par une ou plusieurs SPPICAV et une ou plusieurs SIIC, il autorise les cessions de telles filiales entre SIIC et SPPICAV sans perte du régime SIIC des filiales cédées.
Par ailleurs, de telles cessions ne peuvent, en règle générale, être considérées comme réalisées entre entreprises liées. Rappelons que l’article 39-12 du CGI prévoit que des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises, lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu’elles sont placées, l’une et l’autre, dans les conditions définies ci-avant, sous le contrôle d’une même tierce entreprise. Ainsi, les plus-values de cession de telles filiales SIIC sont donc exonérées d’IS en application du régime SIIC.