La crise sanitaire engendrée par le Covid-19 a eu un impact sur l’examen des opéra- tions de concentration devant l’Autorité de la concurrence française. Les entreprises doivent maintenant savoir tirer profit des enseignements de ces derniers mois pour sécuriser leurs projets d’acquisition.
Par Christophe Blondeau, avocat associé en corporate/fusions et acquisitions, couvrant l’ensemble des questions relatives aux opérations transactionnelles. christophe.blondeau@cms-fl.com et Vincent Lorieul, avocat en droit de la concurrence et droit européen, intervient devant les autorités administratives (Autorité de la concurrence, Commission européenne, DGCCRF) et les juridictions commerciales et civiles. vincent.lorieul@cms-fl.com
L’impact de la crise sur l’examen des concentrations
Face à une crise sans précédent et à l’ampleur inédite de ses répercussions économiques, l’Autorité a dû réagir pour adapter son examen des concentrations notifiées. C’est ainsi qu’elle a notamment décidé un allongement des délais de traitement d’examen des opérations de concentration, avertissant les entreprises dès le 17 mars 2020 qu’elle ne pouvait garantir ses délais usuels d’examen et les invitant à différer tout projet d’acquisition qui ne serait pas urgent.
Par la suite, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a prévu la suspension des délais à l’issue desquels une décision administrative doit intervenir ou est implicitement acquise, ainsi que le report du point de départ de ces délais. En pratique, la reprise des délais devant l’Autorité de la concurrence est intervenue à compter du 24 juin 2020.
Même si, malgré l’impact de la crise, l’Autorité a rendu plus de 130 décisions de contrôle des concentrations depuis le 1er janvier 2020, les «péripéties» rencontrées dans le traitement des opérations de concentration doivent nécessairement conduire les entreprises et leurs conseils à s’interroger aujourd’hui sur les mesures et solutions à envisager en cas de survenance d’une nouvelle crise de la même ampleur.
En effet, les contrats et les clauses suspensives conditionnant la réalisation de l’opération à l’approbation par l’Autorité de concurrence compétente conclus avant la crise n’avaient pas intégré cette situation inédite de prorogation des délais et de ralentissement de l’activité de l’Autorité de la concurrence.
Or, au résultat, certains délais contractuels de réalisation de l’opération ont été dépassés, ce qui a conduit les parties à renégocier en urgence leurs accords afin de proroger les clauses suspensives et les dates de financement.
Nécessairement précipitées, ces renégociations ont vu leur réussite dépendre essentiellement de la volonté des parties de mener à terme l’opération envisagée dans ce contexte si particulier.
Opérations de concentration, comment anticiper l’avenir ?
Afin d’éviter ces incertitudes à l’avenir, la question d’une évolution des rédactions habituellement retenues est légitime. L’objectif n’est évidemment pas d’introduire une plus grande conditionnalité qui nuirait à la réalisation des opérations de concentration. Il s’agit en revanche de mieux anticiper la survenance d’une crise, de quelque nature qu’elle soit, qui serait susceptible de ralentir l’examen de l’opération de concentration par l’autorité de concurrence compétente.
Si les parties peuvent chercher à contrer ce type de difficulté selon des modalités contractuelles diverses, il est envisageable qu’elles assortissent les conditions suspensives d’une prorogation des délais calquée sur celle qui entourerait les délais d’examen par l’autorité de concurrence. Ou encore qu’elles prévoient une clause de renégociation mieux encadrée en cas de survenance d’une crise. De telles évolutions doivent nécessairement tenir compte de leurs éventuelles incidences sur le financement de l’opération.
Décidemment, dans ce sujet comme dans bien d’autres, la crise du Covid-19 aura engendré une situation inédite qui appelle une adaptation tout aussi inédite.