Nécessité, prudence, opportunisme, dans l’urgence rien n’a été dit des motivationsdes entreprises ayant eu recours au prêt garanti par l’Etat (PGE). Le PGE prévoit l’octroi par l’Etat d’une garantie de prêts consentis entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 à des entreprises non financières immatriculées en France. Selon leur situation et leurs perspectives, les entreprises auront des stratégies de remboursement diverses. Explications.
Par Grégory Benteux, avocat associé, responsable de l’activité Financements structurés et titrisation, gregory.benteux@cms-fl.com / et Alexandre Chazot, avocat en droit bancaire et financier, alexandre.chazot@cms-fl.com
Quelles solutions de sortie du PGE pour les entreprises ?
L’article 6 de la loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR) et l’arrêt afférent imposent que tout PGE comporte un différé d’amortissement minimal de 12 mois et une clause permettant à l’emprunteur de choisir de l’amortir sur une durée additionnelle de 1 à 5 ans. La durée du prêt ne peut excéder une période de six ans à compter de la date du premier décaissement.Les entreprises bénéficiant d’un PGE doivent donc anticiper la fin de cette période de 12 mois de différé d’amortissement obligatoire et réfléchir à leur stratégie de sortie du PGE.
La première question est donc de savoir si l’entreprise souhaite rembourser son PGE à la fin des 12 premiers mois ou en étaler le remboursement. La décision n’est pas binaire. L’entreprise peut décider d’opérer un remboursement partiel à l’issue de la première année (en usant des prérogatives de remboursement anticipé volontaire que prévoit le contrat relatif au PGE) et amortir le solde du PGE. Par principe, l’exercice de cette option d’étalement ne permet pas aux prêteurs de facturer des frais mais il reste possible de le faire pour les frais de mise en place effective de cette option (notamment des frais liés à la rédaction et la signature d’avenants).
Remboursement étalé du PGE, précisions sur les délais
Si l’entreprise souhaite étaler le remboursement du PGE, à quand en fixer le remboursement ? Cette décision dépend de la situation, des perspectives et, le cas échéant, des capacités de refinancement de l’entreprise. Cette décision tient également compte des conditions financières associées à un éventuel étalement du remboursement du PGE. Ces conditions ont parfois pu être convenues ou pré-déterminées lors de sa mise en place. Elles devront, à défaut, être négociées avec les prêteurs. Par un communiqué de presse du 6 septembre 2020, le ministre de l’Economie et le ministre délégué chargé des PME ont rappelé l’engagement obtenu de la Fédération bancaire française de proposer l’option d’étalement du PGE à prix coûtant sur la durée totale du prêt. Selon ce communiqué, cela représente pour les TPE et les PME, dans les conditions actuelles de taux, un taux de 1 à 1,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2022 ou 2023, et un taux de 2 à 2,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2024 à 2026 (en incluant le coût de la garantie de l’Etat). Cependant, il existe parfois un décalage entre les accords politiques proclamés par un communiqué de presse, sans valeur contraignante et posant des principes sincères mais généraux, et l’application au cas par cas de ces principes.
Pour fixer la date de remboursement, les entreprises doivent également avoir en tête les coûts éventuels associés à un remboursement anticipé après la période initiale de 12 mois. Les prêteurs pourraient appliquer des pénalités et/ou des coûts de rupture. Il est aussi prévu que les prêteurs paient à l’Etat les commissions liées à la mise en place de la garantie. Ce paiement par les prêteurs à l’Etat intervient intégralement dès la notification du nouvel échéancier à l’issue de la première année. Chaque prêteur doit se faire rembourser ce paiement auprès de l’emprunteur de manière étalée sur la période d’amortissement du PGE. En cas de remboursement anticipé durant la période d’amortissement, il n’est pas possible d’obtenir restitution des primes de garanties déjà versées à Bpifrance pour le compte de l’Etat. Il est donc très probable que les prêteurs demandent à l’emprunteur de leur rembourser les primes payées à l’Etat et non encore récupérées auprès de cet emprunteur.
Refinancement du PGE, une question fondamentale
Certaines entreprises pourront sans doute rembourser leur PGE à partir de leurs ressources propres mais, pour survivre à la crise, d’autres ont dû emprunter massivement, créant un déséquilibre parfois irrémédiable entre leurs dettes et leur capacité à générer une activité suffisante à les rembourser. Les solutions classiques de rééchelonnement ne seront dans ce cas pas nécessairement suffisantes et, pour éviter les impasses, il faudra parfois ouvrir la discussion à des solutions de haut de bilan consolidant les capitaux propres. Etendant la question à celle des actionnaires, s’ouvrira également le chapitre douloureux de la rentabilité du capital et de la possibilité de trouver des candidats prêts à investir (ou réinvestir) dans des entreprises dont l’activité ne sera pas nécessairement meilleure qu’avant la crise. Afin de renforcer les fonds propres (ou quasi-fonds propres) et ainsi d’améliorer les conditions de refinancement, le recours à des outils comme les titres de dette donnant accès au capital, les titres ou prêts subordonnés ou les prêts participatifs peut également être envisagé. Les entreprises peuvent aussi mettre en œuvre des stratégies de diversification de leurs sources de financement, par exemple en mettant en place des financements adossés à des actifs valorisables, comme l’immobilier, les stocks ou leur poste client, dans le cadre d’opérations de titrisation, d’affacturage, de crédit-bail ou de financements sécurisés par des fiducies. Une autre diversification peut également privilégier le recours à des fonds de financement, adoptant des stratégies d’investissement adaptées aux besoins particuliers d’une entreprise et complémentaires des financements bancaires.