Céder une entreprise est une opération que l’on identifie a priori clairement du point de vue juridique, même si les formes que peut prendre la cession sont en réalité assez diverses. On pourra ainsi vendre les actifs constituant le fonds de commerce de l’entreprise, ou bien céder les parts sociales ou les actions de la société qui l’exploite. Le cadre légal de ces différentes opérations est bien identifié, et il sera au besoin complété par les stipulations contractuelles voulues par les parties. Le processus d’audit précédant l’opération ou la garantie d’actif et de passif font notamment partie de ces dispositifs que la loi n’impose pas aux parties, mais qu’elles ont la possibilité de mettre en place.
La réalité ne se réduit cependant pas toujours à la conclusion d’un contrat de cession stricto sensu et à son exécution dans la foulée. Tout d’abord, parce que les longs délais qui s’imposent parfois aux parties avant que l’entreprise change véritablement de contrôle peuvent inciter le futur cessionnaire à s’assurer de la manière dont l’entreprise est gérée pendant cette phase intermédiaire. Sans que la cession produise déjà ses effets, la gestion de l’entreprise anticipe alors la cession à venir, dans une certaine mesure. Il est aussi possible qu’une mise en location-gérance ou le recours à des mécanismes similaires précèdent la cession proprement dite, d’ailleurs. Ensuite, il est concevable que le projet initial évolue, ou que la cible ne soit plus la même entre le début du processus de cession et le moment où il produit pleinement ses effets. Il faut alors que la cession s’adapte à ces évolutions du projet ou de la cible, ou bien que le choix soit fait de conserver les termes initiaux.
Il faut par ailleurs observer que la cession pure et simple connaît des dérivés et des alternatives. Tout ne se réduit pas au contrat de vente appliqué à un fonds de commerce ou à des droits sociaux. Les mécanismes de mise à disposition temporaire, la fiducie, le portage de parts ou d’actions sont autant d’opérations complexes qui peuvent inclure une cession ou emprunter aux effets de celle-ci.
Enfin, la cession peut aussi ne jamais se faire, et il faut alors se demander ce que sont les conséquences de ce non-aboutissement tant pour le cédant et le cessionnaire, acteurs de cette opération qui ne sera finalement jamais une réalité, que pour les autres parties concernées, et notamment pour les salariés de la cible.
C’est à cette cession qui n’en est pas une, parce qu’elle n’est pas encore réalisée mais est déjà anticipée, parce qu’elle est différente de celle qui était prévue initialement, parce qu’elle est en réalité d’une autre nature qu’une cession stricto sensu, ou tout simplement parce qu’elle ne se fait finalement pas, que nous allons nous intéresser dans la présente lettre.