Lorsque l’on évoque la dette dans les opérations de fusion-acquisition, on emploie au singulier un mot simple (il n’est question que de devoir quelque chose), alors que la question de la dette porte en réalité sur des situations d’une extrême diversité.
La dette dont on parle est d’abord celle qui pèse directement sur la société cédée. Parce que l’on transfère une personne morale avec son patrimoine, le passif qui figure dans ce patrimoine doit être identifié pour que la valeur réelle de l’entité cédée puisse être déterminée avec exactitude, et si les parties le prévoient, que ce passif soit couvert par la garantie appropriée. Mais une opération de fusion-acquisition peut impliquer d’autres dettes. Les conseils du cédant auront à cœur d’identifier et traiter le passif que ce dernier a contracté en raison de sa gestion de la société cédée. Il sera ainsi important d’obtenir, des créanciers concernés ou du cessionnaire, une levée des garanties et plus largement un engagement de libérer le cédant. Cela sera d’autant plus important que le cédant se trouvera privé pour l’avenir des revenus liés à l’exploitation de la société cédée. La dernière catégorie de dettes concernées pèse sur le cessionnaire, et l’on parle ici du passif contracté pour financer l’opération de reprise, qui soulève d’autres questions.
Certaines dettes sont plus difficilement identifiables que d’autres, tant dans leur quantum que s’agissant de savoir sur qui elles pèsent en dernier lieu. Le passif contracté par le cessionnaire pour financer l’acquisition est sans doute la dette la plus simple à concevoir : déterminée ou déterminable, elle ne pèse que sur le repreneur - la mise en place d’un LBO complexifie cependant les choses, en faisant « descendre » la dette sur la société cible. Les difficultés augmentent quand on tourne le regard vers la société cédée et le cédant. Pour la société cédée, la question tient souvent à la difficulté d’identifier si la dette est couverte par la garantie de passif, ce qui suppose qu’elle soit (1) née au cours de la période de garantie et (2) qu’elle présente les caractéristiques permettant la mise en jeu de la garantie. La question du plafonnement des garanties est également un exercice délicat. Pour le cédant enfin, il conviendra d’identifier dans quelle mesure les dettes liées à sa gestion passée peuvent faire l’objet d’une reprise ou d’une clause de libération, émanant du cessionnaire ou de la société cédée.
Présentée ainsi, la question peut sembler classique, sinon simple. On peut d’ailleurs supposer que, du jour où la notion de personnalité morale a été reconnue, celui qui prenait le contrôle d’une société personnifiée a dû se préoccuper du passif qu’il était susceptible de « reprendre », au moins économiquement. Mais la dette, celle que l’on conserve, celle que l’on contracte, celle que l’on garantit, celle dont on ne se libère pas, est incontestablement un élément que les acteurs du M&A ne peuvent tout simplement pas ignorer, sous peine de compromettre, ne serait-ce que pour la partie concernée, la viabilité de l’opération réalisée.