Nous avions relevé dans un premier article1 les évolutions introduites par la loi Sapin II («Loi») au bénéfice des sociétés de gestion de portefeuille (SGP). L’objet du présent article est de présenter les autres dispositions pouvant les intéresser.
Par Jérôme Sutour, avocat associé, responsable de l’équipe Services Financiers. jerome.sutour@cms-bfl.com
Tout d’abord, on peut relever que la Loi introduit une modification du Code civil concernant l’interdiction, pour les sociétés n’y étant pas autorisées, de procéder à des offres au public, en précisant qu’elle frappe également les offres de parts sociales. S’il était déjà certain que les sociétés, n’y étant pas autorisées, ne peuvent émettre des parts sociales par voie d’appel public à l’épargne, on peut espérer que cette précision, dès lors qu’elle vise expressément l’article L. 411-1 du Code monétaire et financier (CMF), puisse être opposée à l’interprétation selon laquelle ces sociétés ne peuvent recourir au placement privé pour l’offre de leurs parts. En effet, la référence à cet article, sans préjudice des stipulations de l’article L. 341-10 du CMF, permet de soutenir plus facilement qu’un placement privé de parts sociales n’est pas une offre au public, une faculté intéressant les SGP gérant des fonds d’investissements alternatifs (FIA) par objet2.
La Loi introduit également à l’article L. 211-4 du CMF la possibilité d’inscrire des parts ou actions d’un organisme de placement collectif (OPC)3 au nom d’un intermédiaire inscrit agissant pour le compte de plusieurs propriétaires lorsque ces derniers n’ont pas leur domicile sur le territoire français. Cette introduction en droit français de la fonction de nominee, telle qu’elle est connue en droit luxembourgeois, a pour objet de renforcer la compétitivité de la place française en facilitant la détention des parts ou actions d’OPC français par les étrangers. Il reste toutefois à connaître les conditions d’application de cette faculté et, notamment, les exigences en matière de lutte anti-blanchiment où les autorités françaises se distinguent de leurs homologues étrangers.
Au-delà de la précision introduite à l’article L. 214-28 du CMF reconnaissant que le quota juridique des fonds professionnels de capital-investissement (FPCI) ou des sociétés de libre partenariat (SLP), agréés comme ELTIF4, peut être composé jusqu’à 30 % d’avances en comptes courants accordées conformément au règlement 2015/760, la Loi corrige certaines dispositions intéressant les SLP comme la non-application des dispositions en matière de comptes consolidés ou la faculté de tenir sa comptabilité en toute unité monétaire.
La Loi précise, en outre, que les règles classiques de droit des sociétés ne sont pas applicables en matière de variabilité du capital des parts d’associés commandités mais qu’il convient, au contraire, de procéder par référence aux sociétés d’investissement à capital variable (Sicav), le montant du capital est égal à tout moment à la valeur de l’actif net de la société, déduction faite des sommes distribuables.
Elle rend par ailleurs inapplicables aux SLP les dispositions de l’article L. 221-3 du Code de commerce prévoyant que si une personne morale est gérant, ses dirigeants sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s’ils étaient gérants en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’ils dirigent.
Enfin, il reste à souligner que la Loi a maintenu les dispositions du Projet5 permettant aux entreprises d’assurance de procéder au règlement des rachats d’unités de compte sous forme de remise des titres d’un OPC, suspendre ou restreindre, sur cette partie du contrat uniquement, les possibilités d’arbitrage de rachats ou de transferts et le paiement des prestations. Il est à espérer que cette nouvelle faculté facilitera l’exposition des contrats d’assurance-vie en parts ou actions d’OPC fermés.
1. Première partie dans la Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity du lundi 6 octobre 2016.
2. Les FIA français dont les caractéristiques ne sont pas visées aux articles L. 214-24 et suivants du CMF.
3. Un OPCVM ou un FIA par nature (i.e. les FIA français dont les caractéristiques sont visées aux articles L. 214-24 et suivants du CMF).
4. C’est-à-dire conformes au règlement (UE) 2015/760 du 29 avril 2015.
5. Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit loi «Sapin II», cf. note 1.