Les SEL sont marquées par de fortes contraintes en matière de détention du capital qui conduisent leurs acquéreurs potentiels à devoir mettre en œuvre des structurations juridiques et fiscales innovantes.
La loi n°60-1258 du 31 décembre 1990 (1) qui régit les sociétés d’exercice libéral (SEL) fixe un certain nombre de contraintes propres à ces sociétés, notamment en matière de détention du capital social.
Les contraintes de détention du capital des SEL…
La loi de 1990 introduit de fortes contraintes quant à la détention du capital des SEL qui peuvent globalement se résumer de la façon suivante : (i) les associés professionnels internes (2) doivent détenir plus de la moitié du capital et des droits de vote de la SEL, (ii) le solde (soit un maximum de 49,99 % du capital et des droits de vote) peut être détenu par (x) les associés professionnels externes (le cas échéant étrangers s’ils sont membres de l’UE, l’EEE ou suisses et s’ils remplissent les conditions fixées par la loi française), (y) les ayants-droits des associés professionnels (internes ou externes) pendant cinq ans suivant le décès ou (z) les anciens associés professionnels internes à la retraite pendant une durée de 10 ans, et (iii) pour certaines professions réglementées, les tiers peuvent détenir une quote-part du capital et des droits de vote de la SEL ne pouvant excéder 25 % (hors cas particulier des commandites par actions).
Il existe encore quelques SEL, dites SEL 5-1, bénéficiant d’un régime dérogatoire. Dans ces dernières, les associés professionnels externes ne sont pas limités dans la détention du capital mais plus de la moitié des droits de vote doit toujours être détenue par les associés professionnels internes (ce qui se fait en pratique par recours à un avantage particulier à leur profit). La loi instaure un droit de préemption au profit des associés professionnels internes des SEL 5-1.
Ces contraintes varient selon le type de profession réglementée et requièrent donc une analyse au cas par cas.
Lorsque la détention de capital par un tiers est autorisée, certaines interdictions légales peuvent néanmoins s’appliquer : par exemple, les assureurs sont associés interdits dans certaines professions de santé. Ce sujet devient particulièrement sensible lorsque l’acquéreur est un fonds d’investissement puisque l’ensemble des participations détenues par le fonds doit alors être examiné et, le cas échéant, des solutions pour se conformer auxdites contraintes et interdictions doivent être étudiées au cas par cas.
… conduisent leurs acquéreurs potentiels à devoir mettre en œuvre des structurations innovantes
Dans l’immense majorité des cas, compte tenu des valorisations observées sur le marché, l’acquéreur d’une SEL n’est pas un associé professionnel interne, ce qui contraint donc les acteurs et leurs conseils à mettre en œuvre des structurations spécifiques reposant sur la création d’actions de préférence dissociant capital/droits de vote d’une part et droits économiques d’autre part. En effet, si la validité de telles structurations à un temps pu être reconsidérée dans le cadre de réflexions sur une évolution de la législation applicable aux SEL, elles ressortent renforcées des échanges qui sont intervenus entre le régulateur d’une part, et les opérateurs d’autre part, ce dont la pratique ne peut que se féliciter. Toutefois, la mise en place de ces actions de préférence suppose un large consensus entre les associés vendeurs et complexifie souvent beaucoup l’opération. Elle peut toutefois être anticipée par les vendeurs en vue de proposer une opération clé en main à l’acquéreur.
Les contraintes susvisées de détention du capital des SEL emportent par ailleurs de nombreuses autres conséquences juridiques, par exemple sur les security packages mis en place dans le cadre des financements d’acquisition dont les termes doivent nécessairement être adaptés.
En matière fiscale, si le régime des SEL ne présente pas en tant que tel de particularité (i.e., assujettissement à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun pour les SELAFA, SELAS et SELARL), les contraintes de détention décrites ci-avant impliquent de renouveler les solutions usuellement retenues pour procéder aux acquisitions.
En effet, l’acquisition de l’intégralité du capital de la cible suivie de son absorption ou la structuration de l’acquisition par le biais d’une société holding endettée laquelle constitue, postérieurement à l’acquisition, un groupe intégré avec la cible acquise se heurtent aux contraintes de détention des SEL.
Faute de détenir au moins 95 % du capital social et des droits de vote de la SEL, les acquéreurs se trouvent privés de la possibilité de constituer un groupe d’intégration fiscale avec la SEL acquise. Or, en l’absence d’intégration fiscale, aucune compensation ne pourra être opérée entre les résultats fiscaux de la cible et du holding d’acquisition. De même, l’EBITDA fiscal de la SEL ne pourra pas davantage être pris en compte pour les besoins de l’application de la limitation générale de la déductibilité des charges financières nettes supportées au niveau du holding cessionnaire. Enfin, certains avantages encore liés au régime de l’intégration fiscale (quote-part de frais et charges réduite à 1 % sur les dividendes, facturation des prestations de service et les cessions d’actifs autres que les immobilisations sur la base de leur prix de revient) ne pourront s’appliquer.
Une acquisition majoritaire ou à 100 % suivie d’une fusion de la cible dans le holding d’acquisition n’est pas davantage envisageable (au-delà même des éventuelles problématiques liées aux fusions rapides) dès lors que les contraintes juridiques de détention du capital doivent être respectées à tout moment.
Ainsi, des structurations juridiques et fiscales alternatives doivent être étudiées au cas par cas par les acquéreurs potentiels et leurs conseils. Si les problématiques sont moindres lorsque l’opération impose un large refinancement de la cible ou en cas d’acquisition par une entité opérationnelle, qui permettent en pratique d’imputer les charges financières nettes sur des profits opérationnels, d’autres cas nécessitent des structurations innovantes et spécifiques à chaque opération afin de sécuriser la déduction des charges subies ou à supporter.
Cette adaptation des réflexes et de la pratique s’impose également d’un point de vue social. En effet, ces spécificités de détention du capital des SEL conduisent quasi systématiquement à exclure la procédure d’information prévue par la loi Hamon, dont les conditions ne sont pas réunies, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’informer en amont les salariés de leur faculté de présenter une offre. Enfin, il est recommandé d’apprécier dans le détail et en amont les éventuels risques qu’emportent l’exercice de certaines professions en droit du travail (santé, sécurité, durée et conditions de travail, etc.) afin d’anticiper autant que possible leurs coûts pour l’évaluation de l’offre.
La gestion de l’ensemble de ces problématiques, parce qu’elles dérogent à la pratique habituelle, constitue un élément essentiel de l’attractivité de l’offre de l’acquéreur. Il est donc nécessaire de les envisager suffisamment en amont de l’opération, afin de trouver les solutions adaptées à chaque cas de figure.
1. Il convient de préciser qu’une ordonnance est attendue très prochainement, qui devrait réformer le statut des SEL.
2. Un associé professionnel est considéré comme interne lorsqu’il exerce son activité au sein de la SEL considérée, et comme externe dans le cas contraire.