Les opérations de carve-out – qui visent à regrouper au sein d’une entité une ou plusieurs classes d’actifs en vue de leur cession – conduisent à devoir affecter des ressources notamment humaines dans des entités dédiées qui sont ensuite objet des opérations de cession. Au plan social, ces opérations de regroupement peuvent s’avérer délicates à mettre en œuvre lorsqu’elles impactent des services mutualisés au sein des groupes.
Des centres de services partagés souvent présents dans les groupes
La mutualisation de services dits « supports » dans les groupes est un mode d’organisation très répandu qui permet la mise en commun de moyens (informatique, finance, achats, paie, etc.) pouvant améliorer la qualité des prestations délivrées et à un coût moindre que celui qui devrait être normalement supporté par chaque entité.
Ces services mutualisés sont souvent impactés en cas d’opération de carve-out conduisant à modifier le périmètre du groupe. Côté cédant, la perte de clients internes peut en effet conduire à devoir reconsidérer le dimensionnement des équipes mutualisées et les réduire à due concurrence de la baisse de chiffre d’affaires consécutive à la cession. Côté acquéreur ensuite, et particulièrement dans les opérations conduisant à un fonctionnement autonome (« stand alone ») de l’entité cédée, il peut y avoir un intérêt à bénéficier de ressources dans les domaines précités qui connaissent déjà les activités concernées.
Reste cependant que cet intérêt partagé de transférer des ressources dans la cible peut s’avérer délicat à concrétiser au plan social du fait de l’absence d’affectation précise à celle-ci de certaines de ces équipes supports mutualisées.
La délicate mise en œuvre des opérations de « détourage »
Les difficultés que posent les opérations de « détourage », c’est-à-dire d’allocation des ressources dans les entités qui feront objet de la cession, sont liées aux modalités juridiques du transfert des actifs en cause.
A cet égard et lorsqu’il s’agit de céder une activité complète, il est souvent recouru au mécanisme de l’apport partiel d’actifs, de l’apport en nature ou encore de la cession de fonds de commerce. Ces opérations permettent ainsi le transfert d’une « branche complète d’activité » avec, dans le premier cas, une transmission universelle de patrimoine emportant le transfert automatique des contrats, en bénéficiant d’un régime fiscal de faveur et sans requérir, sauf exceptions, l’accord individuel de tous les clients ou fournisseurs. L’intérêt de ces opérations au plan social est de pouvoir faire application de la règle du transfert automatique des contrats de travail posée par l’article L.1224-1 du Code du travail.
Une absence de transfert automatique des contrats
Mais ces différentes opérations juridiques peuvent difficilement traiter la situation des salariés appartenant aux équipes mutualisées qui travaillent indifféremment pour différentes activités. Il ne peut donc être aisément fait application de l’article L.1224-1 précité du Code du travail qui implique l’existence d’une entité économique autonome et des salariés affectés à celle-ci, à tout le moins en partie (la Cour de cassation ayant récemment abandonné le critère de l’affectation « essentielle » (1)).
Et la Cour de cassation a également fermé la porte à la possibilité d’invoquer cette même règle à la faveur de l’opportune création d’une « structure créée artificiellement sans activité économique autonome antérieure » (2). Il n’est donc pas possible de transférer automatiquement les salariés en ayant précédemment constitué, pour les seuls besoins de la cession, une équipe dédiée consacrée aux activités objet de la cession.
Des transferts individuels, au cas par cas
En l’absence d’application de la règle du transfert automatique des contrats, reste alors la possibilité de proposer des transferts de gré à gré aux salariés dont les compétences sont nécessaires pour permettre aux activités de fonctionner de façon indépendante.
Un transfert selon ces modalités permet alors d’opérer un choix plus précis dans les ressources nécessaires mais il demeure soumis non seulement à l’accord des deux sociétés mais aussi à celui de chacun des salariés concernés, lequel pourra alors dépendre de la qualité des conditions d’emploi dans la cible.
1. Cass. soc. 30 septembre 2020, n°18-24.881.
2. Cass. Soc. 3 mars 2009, n° 07-44.653.