Au-delà des habituelles questions fiscales soulevées par une opération d’acquisition (structuration, déclarations et garantie, droits d’enregistrement, etc.), la sortie d’une filiale d’un groupe fiscalement intégré ou la cessation d’un groupe fiscal par le seul effet de la cession des titres soulève des problématiques délicates, et qui peuvent s’avérer coûteuses lorsqu’elles ne sont pas anticipées. Il est alors recommandé de conclure une convention de sortie d’intégration fiscale (la «Convention») entre la société mère intégrante, la filiale sortante, voire l’acquéreur en tant que garant.
Par Laurent Hepp, avocat associé, spécialisé en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés qu’en fiscalité des transactions et private equity et Jean-Charles Benois, avocat, spécialisé en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés qu’en fiscalité des transactions et private equity.
La Convention aura ainsi vocation à traiter, a minima, de (i) la répartition du coût de sortie d’intégration fiscale (i.e., les déneutralisations), (ii) l’éventuelle indemnisation de la filiale sortante à raison du manque à gagner lié à son intégration (notamment compte tenu de la perte par celle-ci des déficits fiscaux définitivement transmis à la mère intégrante), (iii) l’organisation des paiements d’acomptes d’impôts et contributions additionnelles, et de (iv) la gestion des contrôles et contentieux ultérieurs concernant la filiale cédée et relatifs aux exercices durant lesquels celle-ci était intégrée.La question de la prise en charge du coût de sortie d’intégration ne pose a priori pas de véritable difficulté, puisque les Conventions prévoient le plus souvent, et fort logiquement, qu’il sera supporté par la société percevant le «gain d’intégration fiscale» (soit, en général, la société mère intégrante). Plus délicate, en revanche, est celle de l’opportunité de prévoir dans la Convention l’octroi d’une indemnité aux filiales sortantes n’ayant pas retiré un avantage effectif de leur appartenance au groupe, ainsi que celle du traitement fiscal applicable à cette somme.
A supposer qu’une telle indemnité soit due, son caractère non imposable n’est en effet sécurisé que pour autant que la convention d’intégration en ait posé le principe(1) (y compris par une simple «clause de rendez-vous(2)»), et qu’elle se limite au montant du préjudice qu’elle entend réparer. Un doute subsiste en revanche lorsque la convention d’intégration reste muette sur le principe même d’une telle indemnisation. Bien que cette approche soit discutée, il nous semble cependant que le principe de neutralité de l’intégration fiscale souvent posé par les conventions, comme plus généralement l’obligation de respecter l’intérêt propre des filiales intégrées(3) (sous réserve de l’intérêt de groupe parfois reconnu en jurisprudence), devraient conduire à reconnaître l’obligation pour la société mère de verser une indemnité, même lorsque son principe n’est pas clairement posé contractuellement. La Convention devra également veiller à ce que la mère intégrante ne se trouve pas exposée à des coûts de trésorerie liés au fait qu’elle reste redevable des acomptes d’impôts et de contributions additionnelles pendant les douze mois qui suivent la sortie de la filiale intégrée(4).
Cette question est particulièrement sensible en cas de LBO, dans le cadre desquels les marges de trésorerie sont souvent très faibles, notamment la première année. Le même principe s’applique s’agissant de la gestion ultérieure des éventuels contrôles, voire redressements, fiscaux subis par la filiale sortante et portant sur les exercices intégrés, le groupe cédant restant seul redevable de l’impôt additionnel. A ce titre, les liens adéquats devront être faits entre la garantie de passif et la Convention, et il pourra être recommandé de prévoir dans cette dernière que les principes posés par la convention d’intégration pour la répartition de l’impôt continueront de s’appliquer pour les exercices concernés.La conclusion du contrat de cession ne constitue donc pas l’alpha et l’oméga de la fiscalité d’une opération d’acquisition…
(1). CE 11 décembre 2009 n° 301341, 8e et 3e s.-s., Sté GE Healthcare Clinical Systems.
(2). CE 24 novembre 2010 n° 333868, 8e et 3e s.-s., Sté Saga Air Transport.
(3). Lequel principe ressort notamment, s’agissant de l’intégration fiscale, des décisions judiciaires T. Com. Paris, 18 juin 1996, Transports Liberatore, jurisdata 1996-049108, et T. Com. Paris, 18 novembre 2004, SA SEMAT c/ SA Vivendi Universal, RG 2003023988-1 et 2003029991.
(4). Article 223 N, 2 du CGI.