Les opérations d’acquisition et de restructuration obéissent à un timing que les procédures fiscales d’agrément, de rescrit et de régularisation ignorent. Le délai de traitement de l’Administration est en effet souvent incompatible avec le calendrier de ces opérations.
Par Laurent Hepp, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés qu’en fiscalité des transactions et private equity. <laurent.hepp@cms-fl.com> Johann Roc’h, avocat associé en fiscalité. Il accompagne d’un point de vue fiscal des groupes français et étrangers dans leur développement en France et à l’étranger, en matière de conseil mais également de contentieux. <johann.roch@cms-fl.com> Vincent Forestier, avocat en fiscalité. Il conseille au quotidien des sociétés dans le cadre de leurs problématiques en fiscalité directe ainsi que dans leurs opérations d’acquisitions, de capital-transmission et de restructuration. <vincent.forestier@cms-fl.com>
Plusieurs situations sont ainsi soumises à une contrainte d’agrément. C’est notamment le cas du transfert des déficits fiscaux, des charges financières non déduites et de la capacité de déduction inemployée à raison d’une fusion.
L’agrément doit être demandé auprès du bureau des agréments et rescrits avant la réalisation de l’opération en cause, quand bien même son obtention peut exiger de longs mois d’instruction, et n’est généralement délivré qu’après la réalisation de l’opération – avec tous les « désagréments » que peut entraîner un rejet sur une opération déjà réalisée.
Autre situation courante : l’acquéreur d’une cible soumet parfois l’opération a la mise en œuvre d’une régularisation des risques identifiés dans le cadre de l’audit d’acquisition, notamment s’agissant des irrégularités en matière d’IFU et DAS 2 qui s’accompagnent de sanctions élevées.
Il peut également être recherché avant l’opération la confirmation par l’Administration de l’éligibilité à un régime de faveur (celui des titres de participation par exemple), de la nature d’un revenu (notamment en cas de managements packages) ou encore de l’absence d’abus de droit.
En l’absence de concordance des temps « économiques » et « administratifs », lorsque l’aval de l’Administration est indispensable, les parties seront contraintes de repousser voire renoncer à l’opération envisagée.
En principe, certaines opérations pourront en revanche être réalisées sans attendre l’accord formel de l’Administration, ou éventuellement seulement avec son accord de principe, soit que l’agrément est de droit (cas du transfert des déficits), soit que la régularisation requise reçoit généralement un accueil favorable de l’Administration (cas des régularisations IFU et DAS 2). L’introduction dans le traité de fusion d’une condition suspensive relative à l’obtention de l’agrément fiscal pour le transfert des déficits doit en revanche être mûrement réfléchie, l’Administration considérant dans certains dossiers qu’elle est susceptible de heurter la condition de motivation économique requise par l’article 210-0 A du CGI.
Enfin, lorsque tout n’aura pu être réglé en amont de l’opération, un confort peut désormais être recherché auprès du nouveau Service de mise en conformité fiscale (SMEC) pour régulariser certaines problématiques. La pratique de ce service reste toutefois à construire.
Des pratiques et délais variables au sein du reste de l’Europe
Le désalignement des temps économiques et administratifs n’est cependant pas une spécificité française. Ainsi, en Italie, le transfert des déficits dans le cadre d’une fusion nécessite la réunion de conditions strictes qui peuvent dans certains cas requérir un confort au travers d’une demande d’agrément. Cette demande peut être adressée au plus tôt à la date de décision d’approbation de la fusion, l’administration disposant alors d’un délai maximum de 180 jours pour répondre, ce qui permet au mieux de connaitre la position à adopter à l’occasion du dépôt de la déclaration afférente à l’exercice de fusion. En Espagne, la validation du caractère économique d’une opération auprès de l’administration nécessite en principe 6 mois mais le plus souvent 1 an en pratique. Enfin, en Pologne, la situation est comparable voire en voie de détérioration : un projet de loi prévoit en effet que les fusions transfrontalières nécessiteraient l’émission par l’administration, préalablement à l’opération, d’une position confirmant la compatibilité de l’opération avec les règles fiscales polonaises. La validation des sujets spécifiques nécessite en revanche un délai plus raisonnable dans nombre de juridictions européennes au regard du calendrier des opérations, soit entre 3 et 6 mois. Les contribuables peuvent donc légitimement aspirer à une amélioration des processus d’agrément à cet égard.