Si depuis sa création, en août 2008, à mai 2013 l’administration a homologué 1,2 million de ruptures conventionnelles, celles-ci demeurent encore un mode de rupture minoritaire (16 %, selon les chiffres de la Dares), loin derrière les démissions (57 %) et les licenciements (27 %).
Par Viginie Lejeune, avocat, Cabinet Landwell & Associés
Pour mémoire, la rupture conventionnelle est devenue l’un des trois principaux modes de rupture du contrat de travail en France (avec la démission et le licenciement), basée sur le principe d’un commun accord des parties pour mettre fin à leurs relations de travail. Côté salarié, elle ouvre droit à l’assurance-chômage, contrairement à la démission. Côté employeur, ce dernier n’a pas à motiver la rupture du contrat de travail.
Le législateur a encadré dans une procédure stricte la rupture conventionnelle afin de garantir l’existence notamment d’un consentement libre des parties. Les parties doivent se rencontrer au cours d’entretiens de négociation et déterminer a minima le montant de l’indemnité de rupture et la date de celle-ci. A compter de la signature du formulaire de demande, les parties ont quinze jours pour se rétracter. Passé ce délai, le formulaire doit être adressé à la Direccte, qui détient le pouvoir d’homologuer la rupture. Elle vérifie pendant un nouveau délai de quinze jours la légalité de l’accord : respect des délais de réflexion, indemnité allouée égale au minimum à l’indemnité due en cas de licenciement, absence de vice du consentement. Passé ce délai, le silence de l’administration vaut homologation et le contrat pourra être rompu, sans préavis.
Depuis 2013, l’indemnité de rupture conventionnelle est assujettie au forfait social à hauteur de 20 %. Malgré l’encadrement de ce mode de rupture, un contentieux de la validité des accords s’est développé. En effet, la rupture conventionnelle peut être contestée dans les douze mois qui suivent l’homologation. Outre les éléments de forme, la validité de la rupture peut être remise en cause dans les circonstances suivantes :
1. La réalité économique de l’activité de l’entreprise
Les contextes dans lesquels les ruptures conventionnelles peuvent intervenir sont divers et les interdictions posées par le législateur ne sont qu’au nombre de deux : la rupture résultant d’un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il est donc possible d’y recourir lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés. S’il n’y a pas lieu de rechercher le motif de rupture, l’administration est tenue de vérifier l’existence ou non d’un contournement des procédures de licenciements collectifs, à savoir la mise en place d’un PSE et l’information et consultation du comité d’entreprise.
Ainsi, lorsque l’administration reçoit plusieurs demandes de ruptures conventionnelles ou a connaissance de départs massifs, elle doit refuser d’homologuer la rupture. Toutefois, on peut s’interroger sur les conditions de ce contrôle au regard des 25 000 dossiers traités par mois, où la majorité des refus d’homologation sont dus au non-respect de l’indemnité minimum. Dans les faits, ce sont les salariés devant les juridictions qui obtiennent régulièrement la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement abusif.
2. L’analyse des circonstances de la rupture
Par principe, la rupture conventionnelle interdit une situation de pression à l’encontre du salarié. La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 mai 2013, considère que, si l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle n’en affecte pas par elle-même la validité, cette rupture ne doit être imposée par l’une ou l’autre des parties. Dans cette espèce, la rupture conventionnelle a été requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la pression exercée par l’employeur sur le salarié. Ainsi, les entreprises sont tenues de rapporter la preuve de cette liberté de consentement et du respect des procédures de rupture pour motif économique.