La lettre gestion des groupes internationaux

Novembre 2018

Nouvelle loi relative à la lutte contre la fraude : un impact majeur sur les contrôles fiscaux à venir

Publié le 30 novembre 2018 à 12h12

Catherine Cassan

Une nouvelle loi relative à la lutte contre la fraude vient d’être publiée au Journal officiel le 24 octobre dernier. La loi comprend de très nombreuses mesures qui ont pour objectif de renforcer la lutte contre la fraude fiscale.

Par Catherine Cassan, avocat associée, PwC Société d’Avocats

Les mesures qui auront le plus d’impact pour les entreprises sont celles qui renforcent les sanctions et celles qui mettent fin au verrou de Bercy, c’est-à-dire au monopole de l’administration fiscale en matière de dépôt des plaintes pour fraude fiscale. La mise en place de nouveaux modes de règlement des poursuites en matière de fraude fiscale mérite également l’attention.

Concernant le renforcement des sanctions, la loi s’inspire tout d’abord du «name and shame» anglo-saxon en autorisant l’administration fiscale à publier les sanctions fiscales de 80 % (abus de droit ou manœuvres frauduleuses) appliquées à raison de manquements graves caractérisés par un montant de droits fraudés d’un minimum de 50 000 euros. Ensuite, les peines prononcées en matière de fraude fiscale pourront désormais atteindre le double des droits éludés pour les personnes physiques et le décuple des droits éludés pour les personnes morales c’est-à-dire des montants bien supérieurs aux droits rehaussés pénalités comprises. Enfin les sanctions pénales prononcées par le juge feront dorénavant l’objet d’une publication automatique, là où la publication était auparavant optionnelle.

Concernant la suppression du verrou de Bercy, la loi prévoit que l’administration fiscale sera tenue de transmettre de manière automatique au parquet les rehaussements d’un montant supérieur à 100 000 euros accompagnés des pénalités fiscales de 100 % (en cas d’évaluation d’office suite à opposition à contrôle fiscal), 80 % (activité occulte, abus de droit, manœuvres frauduleuses, absence de déclaration de certaines sommes et de certains actifs) ou 40 % (défaut de déclaration dans les 30 jours suivant mise en demeure, manquement délibéré ou abus de droit, lorsqu’au cours des six années civiles précédant son application le contribuable a déjà fait l’objet lors d’un précédent contrôle de l’application d’une des majorations visées ci-dessus ou d’une plainte de l’administration fiscale). Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux rehaussements fiscaux pour lesquels une proposition de rectification a été reçue à compter du 24 octobre 2018, date de publication de la loi.

Une fois les dossiers transmis, le parquet sera ensuite libre de décider de l’opportunité des poursuites contre les entreprises et leurs dirigeants. La transmission au parquet n’implique ainsi pas automatiquement des poursuites pénales. Ces nouveaux critères laissent cependant craindre une pénalisation du droit fiscal.

A cet égard, selon les estimations du ministère de la Justice, ces nouveaux critères devraient entraîner un doublement des dossiers transmis au parquet. A l’avenir, seront ainsi automatiquement transmis au parquet les rehaussements relatifs à des établissements stables non déclarés donnant lieu à l’application de pénalités de 80 % pour activité occulte, les rehaussements accompagnés d’une pénalité de 80 % pour abus de droit (ce qui était peu fréquent), mais également les rehaussements ayant entraîné l’application de seules pénalités de 40 % pour manquement délibéré, ce qui était totalement exceptionnel par le passé.

Entrent notamment dans cette catégorie les rehaussements opérés en matière de prix de transfert qui sont régulièrement accompagnés de telles pénalités et ont la caractéristique d’être dupliqués sur plusieurs exercices. Tous ces nouveaux profils de dossiers ne donneront certes pas lieu à poursuite, mais il y a fort à parier que le parquet ouvrira des procédures pour une partie d’entre eux, notamment en présence de schémas fiscaux agressifs. A noter que la loi prévoit que la transmission au parquet ne sera pas obligatoire dès lors que le contribuable aura lui-même régularisé sa situation. Par ailleurs, en ce qui concerne l’application de la pénalité, celle-ci devra s’apprécier non pas au niveau de la mise en recouvrement, mais à celui des dernières conséquences financières adressées au contribuable avant cette mise en recouvrement.

Compte tenu de ces nouvelles dispositions, il est fortement recommandé de faire un état des lieux des pénalités appliquées dans le passé, d’évaluer les risques liés aux positions fiscales prises, et de renforcer sa documentation en amont des contrôles fiscaux à venir. Une fois les pénalités appliquées, le risque pour les entreprises et leurs dirigeants de faire l’objet de poursuites pénales pour fraude fiscale ne pourra être exclu.

Dans l’hypothèse où des poursuites seraient engagées, la loi prévoit l’extension de deux modes de règlement non contentieux à la fraude fiscale. Il s’agit de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et de la convention judiciaire d’intérêt public. Des amendes devront être versées dans les deux hypothèses mais la seconde procédure, qui n’est malheureusement applicable qu’à l’égard des entreprises à l’exclusion de leurs dirigeants, présente l’avantage de ne pas avoir les effets d’un jugement de condamnation. La loi prévoit enfin la suppression pour l’administration fiscale de l’interdiction de transiger en matière de pénalités fiscales en cas de dépôt de plainte pour fraude fiscale.


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