La lettre gestion des groupes internationaux

Mars 2014

Etat des lieux en matière de reporting par pays, ou «Country By Country Reporting» («CBCR»)

Publié le 28 mars 2014 à 18h59

Thierry Morgant

L’OCDE a publié en octobre 2013, dans le cadre des travaux sur le «BEPS, action 13», son mémorandum sur la documentation en matière de prix de transfert et le reporting pays par pays, ou CBCR.

Par Thierry Morgant, avocat associé, Landwell & Associés

Pour autant, le sujet et les obligations qui en découlent datent déjà de quelques mois pour certaines entreprises et cela peut sembler du réchauffé.

Contrairement aux idées reçues, l’Acte I du CBCR n’est pas européen mais américain. L’article 1504 de la réforme Dodd-Frank signée en juillet 2010 par le président Obama prévoit l’obligation pour les entreprises d’extraction cotées aux USA de publier l’intégralité des paiements effectués auprès de 34 Etats africains. Objectif est louable mais, comme souvent, la judiciarisation propre à la vie des affaires outre-Atlantique fait que cet article n’est pas encore applicable dans l’attente des modalités d’application à émettre par la SEC suite à une contestation judiciaire du projet initial.

Plus ambitieux, l’Acte II est lui bien européen et résulte de la Directive sur les exigences de fonds propres ou CRD4 adoptée par la Commission en juillet 2011 et entrée en vigueur le 17 juin 2013. Visant de manière large les établissements de crédit et les institutions financières, l’article 89 impose la publication au plus tard le 1er juillet 2014 de la liste des implantations, de la nature des activités exercées et du nombre de salariés dans chaque pays de présence des entreprises concernées. Un second rapport à l’attention de la seule Commission devra inclure les revenus générés, l’impôt sur le résultat acquitté ainsi que les subventions reçues, toujours par pays. Mais la confidentialité de ce second rapport ne durera qu’un temps puisque sa publication devrait être rendue obligatoire après le 31 décembre 2014 après revue du caractère réellement sensible ou non des données par un organisme indépendant…

Certes de nombreux Etats n’ont pas encore transposé la CRD4 en droit interne mais, une fois n’est pas coutume, la France a pris les devants dès avril 2013 en intégrant une obligation similaire dans le Code monétaire et financier. Les entreprises du secteur financier sont sans nul doute en train de plancher sur ces fameux rapports qui devraient eux aussi être rendus publics, au moins partiellement et ce quand bien même un grand nombre d’éléments restent à clarifier, comme le référentiel comptable applicable ainsi que la nature des impôts devant être publiés. Dans le doute, certaines entreprises financières opteront probablement pour la publication de l’ensemble de leurs prélèvements obligatoires en France, ce qui rendra difficile aux autres de ne pas leur emboîter le pas.

L’Acte III date, lui, de 2013 et de la modification des Directives comptabilité et transparence qui reprennent peu ou prou les exigences de Dodd-Frank pour les entreprises d’extraction, cotées en Europe ou dépassant un certain volume d’activité. La date de première application est fixée au 1er janvier 2016, sauf adoption anticipée ou transcription en droit interne plus coercitive.

En complément, le Parlement européen étudie déjà l’élargissement de la Directive comptabilité sur ce sujet afin de couvrir toutes les entreprises cotées quel qu’en soit leur secteur d’activité ; le vote est prévu en avril prochain mais nul doute qu’il sera positif.

Dans ces conditions, les éléments contenus dans le mémorandum de l’OCDE font presque pâle figure au regard des textes déjà applicables aux entreprises européennes puisque la majorité des éléments visés est déjà couverte par l’une ou l’autre des obligations ci-dessus. Pour autant, dans le cadre de la consultation publique sur le sujet le 30 janvier 2014, l’OCDE a eu le mérite de publier un projet de format destiné à être utilisé dans le cadre du CBCR, donnant corps aux rêves les plus fous ou aux pires cauchemars des différentes parties concernées !

Le reporting devient tout d’abord entité légale, ce qui dans le cadre d’une réglementation Prix de transfert prend tout son sens. Mais en termes de gestion pour les entreprises…

Sans rentrer dans le détail de toutes les informations ensuite demandées, nous n’en retiendrons qu’une qui illustre parfaitement les enjeux qui se profilent. La déclaration des charges fiscales acquittées par juridiction vise les décaissements effectifs, donc la trésorerie et non plus la comptabilité. Même si l’objectif peut se comprendre, il y a là un risque non négligeable de dissocier les revenus de la période et la charge d’impôt correspondante, sauf à demander aux entreprises de publier toutes ces données en comptabilité de caisse.

L’essence des consultations publiques est bien d’obtenir les commentaires des parties concernées. Les Etats ont fait parvenir plus de 1 300 pages de commentaires à l’OCDE. C’est maintenant au tour des entreprises, soit dans le cadre de la consultation privée qui va s’ouvrir ces jours-ci, soit plus largement au travers de la consultation publique qui s’ouvrira le 19 mai prochain. Le calendrier prévoit la finalisation du format définitif dès juin et son approbation finale par l’OCDE en septembre 2014 !

Certes, l’OCDE ne dispose d’aucun pouvoir normatif et de nombreux sujets semblent avoir été déjà couverts par les législations récentes, mais qui veut parier que le format le plus contraignant l’emportera à la fin ?


La lettre gestion des groupes internationaux

Quel avenir pour la fiscalité internationale ?

Renaud Jouffroy

Après l’Union européenne et sous l’impulsion du G20, l’OCDE a préparé un plan d’action complet de mesures destinées à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, «BEPS» en anglais, pour Base Erosion and Profit Shifting. Ce plan de 15 grandes actions publié fin 2013 pourrait déboucher sur une des plus grandes transformations de la fiscalité internationale depuis cinquante ans. Les premières conclusions de ces travaux, qui ne touchent pas que les impôts directs, sont prévues pour septembre 2014 et 2015.

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