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Juin 2021

L’examen de conformité fiscale : en marche vers une transformation de la gouvernance TVA

Publié le 25 juin 2021 à 15h10

PwC Société d’Avocats

Par Astrid Louvigné avocate, PwC Société d’Avocats, Venise Vincent avocate, PwC Société d’Avocats et Isabelle Vachette PwC Société d’Avocats

L’administration fiscale a su ces dernières années faire transformer ses moyens de contrôle et s’adapter à la numérisation de l’économie, en particulier en prenant en compte l’évolution de l’environnement informatique des entreprises : nouveaux systèmes de gestion et des ERP comptables, dématérialisation des flux de facturation, plateformes de confiance, hétérogénéité des données, etc.

Ces nouveaux défis technologiques et digitaux ont conduit l’administration fiscale à repenser ses méthodes lors des opérations de contrôle. Si les moyens d’investigation de l’administration fiscale traversent ainsi une phase de renouvellement et de modernisation, les pouvoirs publics prônent dans le même temps la mise en place d’une relation de confiance privilégiée avec le contribuable.

En effet, réconcilier les entreprises avec l’administration fiscale et apaiser leurs relations sont des objectifs régulièrement cités à l’occasion des dernières réformes fiscales.

Cet objectif a été inscrit à l’ordre du jour de la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (loi Essoc 2018-727 du 10 août 2018, art. 17) avec la mise en place d’un droit à l’erreur et la « relation de confiance ». C’est ainsi que le ministre alors en place de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, soulignait dans son discours en date du 14 mars 2019 que « les entreprises, à partir du moment où elles fournissent à l’administration fiscale une information complète, claire et pertinente, doivent pouvoir être sécurisées de façon contemporaine à leurs opérations ».

C’est dans ce contexte qu’un projet d’examen de conformité fiscale a été proposé afin de renforcer la sécurité juridique et fiscale des entreprises en leur permettant de recourir à un tiers certificateur chargé d’auditer certains des sujets fiscaux usuels et de leur remettre une attestation de conformité.

Suite aux concertations entre la DGFiP et les professionnels, le décret 2021-25 du 13 janvier 2021 (JO du 14 janvier 2021) portant sur la création de l’Examen de conformité fiscale – « ECF » – a été publié, accompagné d’un arrêté CCPE 2035569A du même jour définissant les modalités pratiques de cet examen.

Les contours de l’examen de conformité fiscale

Cette nouvelle brique, qui s’inscrit pleinement dans le prolongement de la relation de confiance avec l’administration fiscale, vise à garantir une plus grande sécurité juridique aux entreprises, tout en favorisant le civisme fiscal.

Ce dispositif applicable à partir des exercices clos à compter du 31 décembre 2020 n’implique pas de la part du professionnel certificateur la réalisation d’une revue fiscale d’ensemble, mais un examen encadré, de points présentés dans un « chemin d’audit » normalisé (points détaillés dans le décret et l’arrêté du 13 janvier 2021) et selon un cahier des charges préétabli.

Le prestataire s’engage ainsi, en toute indépendance et sous couvert du secret professionnel, à la demande de l’entreprise, à se prononcer sur la conformité aux règles fiscales des points prévus dans le chemin d’audit et selon le cahier des charges définis par l’arrêté. En particulier, un certain nombre de sujets fiscaux usuels et identifiés à l’occasion des contrôles fiscaux doivent faire l’objet du chemin d’audit, tels que les amortissements, les provisions, les charges, le respect des règles d’exigibilité pour la TVA, la conformité et la qualité du FEC, les logiciels de caisse ou encore la conservation des documents.

Ce cahier des charges précise également les modalités de conduite de l’ECF pour chaque point du chemin d’audit qui devra être suivi par le prestataire.

L’ECF est optionnel et reste accessible à toutes les entreprises, personnes physiques ou morales, exerçant une activité professionnelle, quels que soient leur régime d’imposition et leur chiffre d’affaires.

Le recours à l’ECF devra être mentionné dans la déclaration de résultat souscrite par l’entreprise et sa mention permettra de produire les effets d’une mention expresse. Ainsi, en cas de rectification sur un point validé lors de l’ECF, l’entreprise sera dispensée de l’intérêt de retard et n’encourra aucune pénalité dès lors qu’elle a été de bonne foi. En pratique, il conviendra de suivre la mise en œuvre de cette mesure par l’administration fiscale.

Une fois la déclaration de résultat déposée avec la mention de l’ECF, le prestataire pourra terminer ou bien commencer sa mission. Il aura alors un délai de six mois ou jusqu’au 31 octobre suivant le dépôt de la déclaration de résultat pour déposer son rapport à l’administration fiscale, selon un format déterminé par l’arrêté.

Si le décret du 13 janvier 2021 ne comporte pas de précision concernant la qualité du prestataire pouvant réaliser l’examen de conformité fiscale, cette prestation peut être réalisée, selon le gouvernement, par un professionnel du chiffre, du conseil et de l’audit (communiqué n° 570 du 18 janvier 2021).

Les enjeux TVA de l’examen de conformité fiscale

Le chemin d’audit, objet de l’ECF, est composé de 10 piliers d’analyse et recouvre plusieurs problématiques TVA ou assimilées que les entreprises devront anticiper à l’occasion de leur préparation à cet audit, en particulier les piliers suivants : 

– piliers 1 et 2 : la conformité du FEC et la qualité comptable du FEC au regard des principes comptables, impliquant par nature une attention toute particulière aux enjeux TVA et comptables associés ;

– pilier 4 : le respect des règles sur le délai et les modes de conservation des documents ;

– pilier 5 : la validation du respect des règles liées au régime d’imposition en matière de TVA au regard de la nature de l’activité et du chiffre d’affaires ;

– pilier 10 : le respect des règles d’exigibilité en matière de TVA (collectée et déductible). 

En particulier, s’agissant du mode de conservation des documents, le prestataire tiers devra s’assurer de l’existence de processus spécifiques mis en œuvre par l’entreprise pour la conservation de ses documents administratifs et comptables, notamment les pièces justificatives (incluant les factures). Ces processus devront à ce titre être détaillés par écrit et un examen par sondage sera effectué par le prestataire.

S’agissant du respect des règles d’exigibilité, l’examen portera sur la mise en œuvre des règles prescrites par le Code général des impôts (CGI), en particulier les articles 2561, 2712 et 269, 23 du CGI. 

S’agissant de la TVA collectée, un rapprochement de chiffre d’affaires entre la comptabilité et la liasse fiscale devra être réalisé à la clôture de l’exercice à partir des masses comptables et des pièces justificatives de la société. 

S’agissant de la TVA déductible, un rapprochement entre la comptabilité et la liasse fiscale devra être réalisé à partir des masses comptables. En outre, il est précisé que le contrôle de l’exigibilité afférente à la TVA déductible sur les factures délivrées par les fournisseurs de prestations de services devra être effectué à partir des soldes de chaque compte fournisseur.

Le chemin d’audit proposé en matière de TVA apparaît comme un prérequis de conformité des sujets usuels que toute entreprise doit avoir mis en place au titre de ses contrôles habituels lors de la clôture de son exercice et de la comptabilisation de son chiffre d’affaires. Les points d’audit présentés sont d’ailleurs des éléments qui devraient être intégrés par les entreprises dans leur documentation piste d’audit fiable (PAF) au sens de l’article 289 VII 1° du CGI. En effet, ces éléments participent à la justification de l’authenticité de l’origine, de l’intégrité du contenu et de la lisibilité de leurs factures, à travers des contrôles internes/TVA documentés et permanents liés à la gestion et au traitement des factures d’achats et de ventes.

Par ailleurs, ce chemin d’audit TVA pourrait être un moyen de tendre vers la constitution des déclarations de TVA à partir des données du FEC.

Cette capacité à réconcilier les données du FEC avec les données reportées dans les déclarations de TVA permettra aussi aux entreprises de se préparer à la grande « réforme 2023 » sur la généralisation de la facturation électronique et du e-reporting TVA qui devrait aboutir à un pré-remplissage automatique des déclarations TVA/CA3 des entreprises sur la base des données ainsi collectées.

Pour cette raison, l’ECF peut être vu comme un moyen complémentaire pour l’administration fiscale de mener des recoupements automatisés et de renforcer la prévention et la lutte contre la fraude.

La transformation de la fiscalité opérationnelle de la TVA en marche avec l’examen de conformité fiscale

Cette nécessité de conformité TVA au travers de l’ECF s’inscrit pleinement dans la tendance de ces dernières années qui conduit les directions fiscales à repenser les modes de gestion de la TVA dans leurs entreprises et les risques fiscaux associés.

L’ECF apparaît comme un précieux outil à disposition des entreprises afin de repenser leur gouvernance et la gestion opérationnelle de la TVA dans un cadre préventif, tout en leur donnant la possibilité de parer aux éventuels écueils qui seraient constatés en matière fiscale en amont de tout contrôle. D’autres dispositifs récents ou à venir répondent à cet objectif de remise à plat de la gouvernance fiscale tels que :

– la piste d’audit fiable TVA et le contrôle d’effectivité de cette piste d’audit (ou contrôles CEPAF) ;

– la certification du logiciel de caisse ;

– l’examen de comptabilité à distance ;

– la réforme 2023 de la facturation électronique et du e-reporting TVA.

Il est indéniable que la qualité de la donnée comptable et des autres données de gestion manipulées par l’entreprise revêt une importance particulière au sein de ces dispositifs, de même que leur conservation et leur restitution en cas de contrôle. Cette performance fiscale est d’autant plus importante face aux intentions de l’administration fiscale de collecter à plus ou moins brève échéance, en temps quasi réel, les données associées aux activités commerciales des entreprises (e-reporting).

La généralisation des contrôles à distance des données TVA notamment, en dehors de toute procédure de contrôle, oblige irrémédiablement les entreprises à s’interroger sur leur performance fiscale et la sécurisation de leur gouvernance TVA.

Le choix de l’ECF constitue ainsi une opportunité pour toute direction fiscale et comptable de s’interroger sur sa conformité TVA-comptable ainsi que sur l’existence de contrôles internes répondant à ces points d’audit, et le cas échéant de régulariser sa situation et de documenter ses contrôles. Si aujourd’hui l’ECF reste une faculté ouverte aux entreprises, son succès pourrait entraîner sa généralisation dans les années à venir. 

1. L’article 256 du CGI définit le champ d’application de la TVA concernant les livraisons de biens et prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti.

2. L’article 271 du CGI concerne la naissance du droit à déduction de la TVA ayant grevé les éléments du prix d’une opération imposable.

3. L’article 269, 2 du CGI prévoit les règles d’exigibilité afférentes aux livraisons de biens et prestations de services. 


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