Adrien Bommelaer, gérant , La Financière de l’Echiquier
La gestion d’actifs commence à s’emparer de la biodiversité, comment abordez-vous ce thème ?
Nous avons dès 2020 lancé un fonds précurseur et innovant qui intégrait déjà la biodiversité dans son analyse environnementale, Echiquier Climate & Biodiversity Impact Europe1. A l’époque, la prise de conscience autour de la biodiversité émergeait et le nombre d’entreprises déployant des politiques ou des actions dédiées était faible. Aujourd’hui nous constatons une réelle prise de conscience, des standards qui n’existaient pas encore il y a deux ans se construisent. La standardisation et les méthodes de reporting suivront. Cela prend du temps, un écosystème se construit et se nourrit notamment par la recherche sectorielle. Par exemple, Morgan Stanley a publié une étude sur les fèves de cacao en Afrique qui souligne les impacts de la déforestation pratiquée pour la culture des fèves. Dans ce secteur, le chocolatier Barry Callebaut, leader mondial, a pour objectif de devenir carbon and forest positive d’ici 2025.
Le défi climatique et la biodiversité sont imbriqués, l’une des 5 pressions sur la biodiversité étant le changement climatique. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé en début d’année, de les traiter conjointement, en assortissant un deuxième objectif à ce fonds article 9 : la préservation de la biodiversité.
Comment quantifiez-vous le poids de la biodiversité dans le fonds ?
Lorsque nous analysons une valeur, nous nous posons deux questions : l’entreprise est-elle dépendante de la biodiversité ? A-t-elle un impact sur la biodiversité ? Nous appliquons ensuite notamment un filtre Impact2, basé sur la Maturité Climat & Biodiversité, notre méthodologie propriétaire. S’il y a un impact, la pondération du pilier biodiversité sera plus importante.
La complexité d’aborder ces enjeux conjointement réside dans la dualité de certaines valeurs. Un champ d’éoliennes offshore par exemple est bénéfique sur un plan climatique, mais nocif pour la biodiversité marine. En ce sens, notre méthodologie robuste et exigeante, nous permet de construire un portefeuille cohérent.
Quelles sont les spécificités de votre fonds ?
Compte tenu de la complexité des enjeux, notre philosophie consiste à ne pas se limiter aux entreprises qui proposent des solutions, nous soutenons aussi des valeurs pionnières, et des valeurs en transition.
Nous investissons dans des entreprises dotées d’une démarche aboutie apportant des solutions, telles que le concepteur d’emballages durables suisse SIG3, Schneider Electric dont 73 % du chiffre d’affaires sont liés à l’Objectif de Développement Durable 7 – énergies propres et d’un coût abordable – ou encore SCA, premier propriétaire forestier d’Europe qui certifie ses forêts par les deux standards mondiaux PEFC et FSC et réduit les zones de coupe qui abritent des espèces en danger.
Le raffineur finlandais Neste, qui a amorcé sa transition vers une production de diesel renouvelable, a tissé un partenariat avec McDonald afin de recycler les huiles végétales. Notre engagement est renforcé auprès de ces entreprises qui marquent une inflexion en termes de gouvernance, notre objectif est qu’elles deviennent des pionnières.
Nous investissons aussi dans des entreprises que nous considérons comme pionnières, telles que Kering, qui a effectué un travail approfondi sur sa chaîne d’approvisionnement, et dans des activités peu représentées au sein de fonds dédiés, comme le luxe donc ou le secteur bancaire, que nous cherchons à accompagner dans l’arrêt du financement des énergies fossiles. Ces entreprises ont un impact systémique et font ainsi progresser l’ensemble de leur écosystème.
La transition climat et biodiversité concerne tous les secteurs, il est donc déterminant de tous les embarquer.
Vous mentionniez l’accompagnement, comment appréhendez-vous ces sujets avec les entreprises ?
Nous sommes des investisseurs de long terme et l’accompagnement fait partie de l’ADN du fonds. Nous partageons avec les entreprises des axes de progrès que nous suivons dans le temps. En 2021, nous avions par exemple suggéré à Neste l’ajout d’un critère lié à la réduction des émissions de CO2 dans la rémunération du directeur général, cet axe est aujourd’hui atteint.
Nous cherchons à favoriser le dialogue entre investisseurs, entreprises et experts, c’est l’objectif de nos Rencontres du Climat & de la Biodiversité. La 2e édition, qui s’est tenue le 6 octobre 2022, a notamment abordé les thèmes de la biodiversité ou encore de la transition juste, décisifs selon nous pour passer d’un modèle à l’autre, en accompagnant les salariés dans cette migration. Nous vivons une transition profonde, un changement de modèle d’un capitalisme d’actionnaires à un capitalisme des parties prenantes, incluant la société civile, les entreprises, les actionnaires… un véritable changement de modèle. n
1- Le fonds est principalement exposé au risque de perte en capital, risque actions, risque de gestion discrétionnaire. Pour plus d’informations sur ses caractéristiques, ses risques et ses frais, veuillez consulter les documents réglementaires disponibles sur www.lfde.com.
2- L’attention de l’investisseur est attirée sur le fait que son investissement dans le fonds ne génère pas d’impact direct sur l’environnement et la société mais qu’il cherche à investir dans les entreprises qui répondent à des critères précis définis dans la stratégie de gestion.
3- Les valeurs sont citées à titre d’exemples. Leur présence en portefeuille n’est pas garantie.