Alors que la pérennité de l’inflation faisait débat depuis des mois, la crise ukrainienne risque de conforter durablement son retour. Plus structurellement, pour Pascal Blanqué, chairman du tout nouveau Amundi Institute, un véritable changement de régime est en train de se mettre en place. Les investisseurs vont devoir adapter leurs portefeuilles à cette nouvelle donne.
Si la reprise de l’inflation était considérée par beaucoup comme transitoire il y a quelques mois encore, elle s’est au contraire confirmée depuis le début de l’année. Pensez-vous que nous sommes à un point de basculement ?
Je pense effectivement que nous assistons à un changement de régime ou « regime shift ». Il faut d’abord rappeler que celui dont nous sommes en train de sortir a commencé par l’arrivée de Paul Volcker à la Fed en 1979. Après des années soixante-dix marquées par une forte inflation, et un partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires, cette nomination a donné le coup d’envoi à un cycle totalement différent. Le régime qui suit se caractérise cette fois par la défiance à l’égard de l’inflation, le renversement du partage de la valeur ajoutée en faveur des profits et au détriment des salaires. Son fondement idéologique repose sur la défense du capitalisme patrimonial – croyance en l’efficience des marchés, priorité donnée à l’actionnaire –, tandis que le modèle qui prévaut chez les banques centrales est celui de l’indépendance, avec un seul objectif, l’inflation, et un outil, le taux d’intérêt. Enfin, du côté budgétaire, le discours ambiant est celui de la rigueur.
Cependant, ce régime commence depuis quelques années à être remis en cause en raison des déséquilibres qu’il entraîne. Ceux-ci se manifestent non par l’inflation des biens et services comme dans le système précédent, mais par la hausse du prix des actifs, ainsi que par celle de l’endettement, en...