Le responsable des relations investisseurs voit ses missions évoluer. Alors que sa fonction est de plus en plus exposée aussi bien en interne qu’à l’extérieur de l’entreprise, son expertise tend à s’étendre à de nouveaux domaines. De quoi renforcer sa position au sein de l’organigramme des sociétés.
Responsable des relations investisseurs… voilà une fonction pour laquelle on ne compte pas le nombre de postes par milliers. Les entreprises cotées ou en passe de le devenir sont les seules à compter parmi leurs collaborateurs des responsables relations investisseurs. « En France, elles ne sont que 500 environ, précise Olivier Psaume, président du Cliff (Association française des professionnels de la communication financière) et directeur des relations investisseurs et de la communication Financière de Sopra Steria. Il convient d’y ajouter les licornes qui, pour préparer leur introduction en Bourse, ont également besoin de leurs compétences. »
Bien que ce soit un marché de niche, il reste favorable aux candidats, peu nombreux. « D’autant que leurs expertises évoluent et se renforcent au regard du contexte actuel de crise sanitaire, de la montée en puissance de la réglementation, de l’ESG et de l’automatisation de la gestion d’actifs, poursuit Olivier Psaume. Nous avons ainsi constaté un renforcement des équipes de communication financière et relations investisseurs dans les entreprises concernées. »
«Les expertises des responsables RI évoluent et se renforcent au regard du contexte actuel de crise sanitaire, de la montée en puissance de la réglementation, de l’ESG et de l’automatisation de la gestion d’actifs. »
Une courroie de transmission entre les marchés financiers et le management
Le responsable RI assure la cohérence et la conformité de l’ensemble des informations financières relatives à son entreprise et fait en sorte que sa stratégie de développement soit bien comprise par la communauté financière. « A cet effet, nous avons notamment besoin de bien comprendre les orientations stratégiques que le management entend donner à notre entreprise, les chiffres, etc. précise Alexandra Baubigeat Boucheron, directrice des relations investisseurs et de la communication financière de Verallia. Nous sommes donc en prise directe avec les contrôleurs de gestion, les consolideurs mais aussi avec les métiers et les directions des différentes filiales, auprès desquels nous récupérons des informations et des éléments de contextes, de marché ou encore d’environnement. Nous nous appuyons alors sur ces données pour nos communications financières auprès des marchés et des investisseurs. Nous avons également un rôle de vigie concernant les attentes du marché, en évolution permanente afin de les communiquer en interne, auprès du management. »
Une profession valorisée par la crise
Avec la crise, les responsables RI ont dû s’adapter et revoir leurs méthodes de travail, aussi bien en interne qu’en externe. « Les responsables RI sont habituellement des grands voyageurs et partent régulièrement à la rencontre de leurs investisseurs, souligne Patrice Lambert-De Diesbach, responsable RI et communication financière d’Orange. Avec la Covid-19, les rencontres physiques avec les investisseurs se sont transformées en réunions digitales. Nous avons alors constaté, lors de ces rencontres virtuelles, que les managers étaient moins présents, laissant plus de libertés aux investisseurs pour interagir avec nous et passer davantage de temps pour nous poser des questions plus techniques et pointues, notamment sur les chiffres, poursuit Patrice Lambert-De Diesbach. Cette période de crise, conjuguée à la réglementation MiFID, notamment sur les obligations d’informations auprès des investisseurs, a ainsi contribué à exposer davantage et par là même, à valoriser le métier de RI. »
Cette valorisation à l’extérieur de l’entreprise contribue à légitimer le département des RI en interne. « Aujourd’hui dans ce contexte de crise Covid, nous sommes encore davantage exposés à l’externe et donc de facto davantage challengés sur ce que nous présentons, ce qui nous incite à interagir encore plus avec la finance en interne », ajoute Patrice Lambert-De Diesbach. D’autant que dans ce contexte, il est plus difficile de faire fonctionner la base actionnariale. « Le responsable RI doit donc plus que jamais être convaincant pour mobiliser les investisseurs, souligne ainsi Olivier Psaume. Son ouverture d’esprit et sa capacité à comprendre tous les enjeux venant de l’extérieur et de l’intérieur sont ainsi devenues des soft skills indispensables. »
Les licornes françaises, une nouvelle opportunité pour les responsables RI
Dans le domaine de la tech, les 25 licornes françaises sont autant d’éventuels recruteurs de responsable RI. Ces entreprises et start-up comptent parmi la fine fleur du marché lié aux nouvelles technologies et aux services numériques et sont toutes valorisées au moins un milliard de dollars. « Elles ont toutes un potentiel d’entrée en Bourse et pourraient à ce titre avoir besoin d’un responsable relations investisseurs, précise Alexandra Baubigeat Boucheron, directrice des relations investisseurs et de la communication financière de Verallia. Souvent, ces entreprises sont en forte croissance, ce qui n’est pas toujours le cas de leur rentabilité. Le responsable RI a alors un véritable rôle pédagogique pour expliquer en interne les contraintes et obligations liées au marché boursier, les problématiques de confidentialité. D’autre part, il a un rôle de structuration de l’entreprise passant de statut de licorne à celui de société cotée en Bourse et qui change donc de profils d’investisseurs. »
La mission du responsable RI est alors clé car les horizons d’investissements, les exigences du marché et le fonctionnement diffèrent de celui des licornes.
Une expertise ESG indispensable
Ce contexte renforce aussi les compétences et expertises des responsables « relations investisseurs ». « Leur degré de professionnalisation progresse, souligne Olivier Psaume. D’ailleurs, on trouve beaucoup de profils seniors. Leurs compétences métiers restent les mêmes (maîtrise des chiffres, de la comptabilité d’entreprise, des impacts de variation de taux, de la réglementation, etc.). Cependant aujourd’hui, les responsables RI doivent aussi être capables de s’approprier l’ESG pour pouvoir interagir de façon pertinente avec les investisseurs sur ce sujet. A cet effet, il leur faut maîtriser les arcanes de la réglementation (taxonomie verte, CSRD, SFRD, etc.). »
Par ailleurs, le métier doit également faire face à la montée en puissance de la gestion passive. La gestion d’actifs est en effet de plus en plus automatisée pour reproduire la performance de benchmarks boursiers. « Il s’agit d’une méthode qui se développe car son coût de gestion est inférieur à celle traditionnellement utilisée. Dans le cadre de la méthode traditionnelle, le gérant prend ses décisions d’investissements sur la base d’analyses et de rencontres des sociétés, ajoute Olivier Psaume. Avec la gestion passive, les décisions d’investisseurs ou de cessions s’appuient sur des algorithmes ».
Ces différentes compétences expliquent ainsi que les responsables RI passent généralement d’abord par des postes d’analyste financier, de contrôleur financier voire par le monde des M&A. Les profils juniors sont souvent formés par leurs aînés, sur le terrain, ainsi que par les formations dispensées par le Cliff et l’Université Paris-Dauphine qui proposent deux cursus sur le sujet.
