Conçus pour favoriser le sentiment d’appartenance à l’entreprise, les team buildings peuvent aussi faciliter les évolutions professionnelles internes. Ces rencontres souvent multiculturelles permettent en effet de découvrir de nouvelles perspectives et d’étoffer son réseau interne.
«Lors de l’observation d’un jeu d’entreprise qui faisait s’affronter plusieurs équipes de cadres bancaires chargées de développer des fast-foods concurrents, le responsable financier s’est tourné vers moi l’air étonné : il venait d’avoir une révélation concernant l’un de ses collaborateurs, dont il sous-estimait le potentiel, raconte Stéphane Waller, le fondateur du cabinet spécialisé dans les team buildings Meltis. Ces scènes sont très fréquentes pendant ce type d’activités collectives qui permettent de mettre en valeur les qualités méconnues d’un salarié, comme son leadership, ou sa capacité de médiation ou de négociation.»
Même si leur influence n’est pas toujours aussi perceptible, les teams buildings, ces événements d’entreprises visant à resserrer les liens entre ses collaborateurs par des séminaires de motivation, des formations ou diverses activités sportives, culturelles, artistiques ou créatives, peuvent ainsi parfois jouer un rôle d’accélérateur de carrière au sein d’une direction financière. «A côté des ressources humaines chargées de gérer la mobilité des collaborateurs, les financiers doivent souvent se créer eux-mêmes leurs propres opportunités de carrière dans l’entreprise en se faisant connaître», analyse Marina Baillon, directrice associée chez Robert Walters. Ces occasions informelles de rencontres ne doivent donc pas être sous-estimées par les salariés qui souhaitent évoluer.
Un lieu de détection des futurs cadres à potentiel
A l’origine organisés pour renforcer la cohésion des équipes, les teams buildings sont ainsi parfois l’occasion de propositions directes d’évolution interne de la part de l’employeur. «Au cours de la première demi-journée d’un team building organisé par une entreprise d’expertise comptable, la direction en a profité pour annoncer les nouveaux objectifs de l’entreprise ainsi que des libérations de poste consécutives à des mouvements internes et des départs en retraite», témoigne Emmanuelle Muckensturm, co-gérante de l’agence de team building et de séminaires professionnels Insolit Pro.
Mais le plus souvent, ces rassemblements de collaborateurs autour du directeur financier – et parfois de responsables des ressources humaines – donnent une chance aux financiers qui jouent le jeu de se faire détecter par leur hiérarchie. Lors de ces occasions, un supérieur peut ainsi directement repérer un collaborateur avec qui il ne travaille pas au quotidien, s’il décèle en lui un potentiel insoupçonné, et lui faire une proposition de poste, au lieu de publier une annonce externe. «Dans leur gestion des carrières et leurs propositions de postes, les ressources humaines peuvent également s’appuyer sur les préconisations que nous leur faisons, concernant la manière dont a fonctionné le groupe et les qualités individuelles observées pendant le team building», indique Emmanuelle Muckensturm.
Un accélérateur de réseau
Moins directement, ces rencontres représentent une bonne occasion de créer des liens durables au sein de la direction financière, en particulier lors des séminaires d’intégration de nouveaux embauchés. Les contacts directs, autour d’un dîner ou d’une séance de cuisine, se démarquent en effet des échanges professionnels habituels qui se limitent souvent à une conversation téléphonique. «La difficulté est souvent de trouver des activités adaptées aux populations financières qui travaillent finalement de façon assez solitaire ou à des rythmes différents, et ne sont pas les plus extraverties !, reprend Emmanuelle Muckensturm. Récemment, nous avons par exemple organisé une dégustation autour du thème du casino pour renforcer la cohésion d’équipes financières du Crédit Mutuel. Mais d’autres activités plus originales comme une chasse au trésor ou un Cluedo vivant permettent également de faciliter les échanges.»
Les contacts noués pendant ces jeux viendront ensuite étoffer le carnet d’adresses interne du collaborateur. Un réseau utile pour détecter d’éventuelles ouvertures de postes avant même qu’elles soient publiées sur l’intranet de l’entreprise, et accélérer une mobilité le jour où une opportunité conforme aux attentes du financier se présente.«Même au cours d’un team building, la rencontre d’un collaborateur, en poste depuis cinq ans, qui exprime une volonté de mouvement reste très rare, illustre Marina Baillon. Ces événements sont donc d’abord une opportunité pour prendre des contacts puis entretenir ces relations, soit par affinité, soit, de manière plus opportuniste, en fonction de la destination ou du service visé, par exemple.»
Enfin, ces échanges ouvrent souvent, de manière presque insaisissable, les participants à de nouvelles perspectives en leur faisant découvrir la réalité concrète d’un autre département financier ou les conditions de travail au sein d’un autre pays où le groupe est implanté. «Ces séminaires donnent souvent des idées aux financiers de l’entreprise en leur montrant que des évolutions sont possibles dans d’autres filiales du groupe, relève Stéphane Waller. Ils donnent envie de se projeter, ce qui est essentiel pour la mobilité interne.»
Des évolutions transverses possibles
Au sein de la direction financière, les team buildings mélangent ainsi soit les équipes finance des différentes filiales d’une même région, soit l’ensemble d’une population financière spécifique – les contrôleurs financiers par exemple – à travers le monde, soit les nouveaux collaborateurs de la direction financière de l’entreprise. S’ils séduisent de plus en plus de PME qui y voient un nouveau levier de motivation pour un coût raisonnable – le budget approximatif d’un team building se situe entre 4 000 et 6 000 euros pour 50 personnes –, ces séminaires, souvent à forte dimension internationale, restent encore pour l’instant le fait des grands groupes du SBF 120. «Tous les ans, nous organisons un team building pour l’ensemble de notre fonction finance dans le monde, confie un directeur financier du SBF 120. Cet événement organisé à côté de Paris est très apprécié des équipes qui en profitent souvent pour discuter d’éventuels mouvements internes.»
Parmi les collaborateurs de la direction financière, certains ont particulièrement à gagner de ce coup de projecteur. «Les plus à même de profiter de ces événements pour favoriser leur mobilité sont ceux qui sont déjà prédisposés aux évolutions rapides ou expatriations, comme les auditeurs internes ou les consolideurs par exemple, souvent envoyés après cinq ans d’expérience comme contrôleur financier de filiale, explique Marina Baillon. Mais ces perspectives peuvent également concerner d’autres financiers déjà implantés en filiale, et qui souhaitent évoluer sur des périmètres plus importants, vers des postes de direction financière opérationnelle de filiale ou de direction générale d’un pays par exemple.» Mais en dehors des évolutions verticales classiques au sein d’un même service, ces événements, lorsqu’ils réunissent des équipes transverses, peuvent aussi parfois favoriser les mouvements vers d’autres métiers de la direction financière, voire vers d’autres fonctions annexes comme la supply chain ou les assurances par exemple.
Mais pour bénéficier de ces opportunités, le collaborateur doit prendre garde à ne pas se laisser entraîner trop loin dans le jeu. «Si les team buildings permettent souvent de mettre en lumière un collaborateur, il arrive aussi parfois qu’ils fassent apparaître des difficultés de management ou de travail en équipe – excès d’autoritarisme, incapacité d’écoute ou réaction irréfléchie – d’un responsable», pointe ainsi Stéphane Waller. Plus rare, cette éventualité ne doit néanmoins pas faire oublier que ces jeux sont en fait de véritables révélateurs de la personnalité et ne doivent donc pas être pris à la légère.