2022 aura-t-elle été l’année du basculement en matière de stratégie énergétique des entreprises ? Bon nombre d’investisseurs en sont convaincus.
« Avant l’été, on constatait que de plus en plus de sociétés s’engageaient sur la voie de la décarbonation à travers, par exemple, la réalisation d’audits énergétiques ou de bilans carbone, témoigne Clara Mouysset, impact investment executive director, climate infrastructure chez Tikehau Capital. Puis, la hausse des prix de l’énergie au cours de la période estivale les a contraintes à reprendre le contrôle de leurs factures énergétiques, via la recherche de solutions permettant de réduire leur consommation énergétique à court terme, mais également à long terme. » Même si le coût de certaines énergies, comme le gaz, a depuis reflué, ce mouvement de fond ne devrait pas s’infléchir pour autant compte tenu de l’urgence climatique. « En général, on prend une décision d’investissement en fonction d’un rendement et d’un risque en face, rappelle Guillaume Lasserre, directeur adjoint de la gestion chez La Banque Postale AM. Or, on commence aujourd’hui à avoir des éléments assez tangibles sur le risque de ne rien faire dans ce domaine. »
L’émergence du private equity infra
Toutefois, le déploiement des solutions qui participent à cette décarbonation implique des investissements substantiels. « Rien que pour l’industrie renouvelable dans le monde, il faut 200 milliards de dollars d’investissement chaque année, et même plus de 500 milliards au cours des cinq prochaines années pour suivre les trajectoires définies par le GIEC », pointe Nicolas Couderc, directeur général opérations groupe d’AKUO. Dans ce contexte, les investisseurs, et notamment ceux à impact, ont donc un rôle majeur à jouer. « Parmi les secteurs dans lesquels nous devons effectivement investir en priorité, il y a déjà la production des nouvelles énergies, confirme Guillaume Lasserre. Mais ça ne s’arrête pas là car lorsqu’on parle d’énergie on parle à peu près de tous les secteurs de notre vie quotidienne. » Au-delà des montants pléthoriques à apporter, les investisseurs sont également confrontés à d’autres défis. « Les sociétés qui participent activement au développement de nouvelles filières qui vont permettre d’accélérer la transition énergétique sont plutôt récentes, industrielles et utilisent des procédés relativement innovants, indique Clara Mouysset. Traditionnellement, celles-ci sont couvertes dans le monde de la finance par les acteurs de venture capital. Mais d’un autre côté, elles ont de forts besoins capitalistiques, de forts besoins d’investissement de Capex. Et cela, ça les fait normalement plutôt basculer vers le secteur de financement d’infrastructures. » Problème : les mondes du VC et de l’infrastructure co-habitaient historiquement assez peu. Mais heureusement, les lignes ont commencé à bouger. « Les acteurs de l’infrastructure ont un peu migré vers ce qui serait plutôt une approche de private equity, c’est-à-dire qu’au lieu d’investir dans la base d’actifs, ils l’ont plutôt fait dans les sociétés qui portent ces bases d’actifs, poursuit Clara Mouysset. Ce faisant, nous avons assisté à la naissance d’une nouvelle classe d’actifs pour répondre à ce nouveau besoin, qu’on pourrait qualifier de “PE infra”. De bon augure, alors que le GIEC a réitéré dans son rapport du 20 mars dernier la nécessité d’accélérer dans la mise en œuvre de solutions servant à l’objectif de sobriété énergétique. »