Une révolution peut parfois en cacher une autre. Alors que la course à la transition écologique bat son plein depuis plusieurs années déjà, l’accélération de la transition numérique demeure l’autre grande priorité du moment des Etats et des sociétés, non financières comme financières. D’ailleurs, les liens entre les deux thématiques apparaissent de plus en plus étroits, en particulier au sein de l’industrie financière.
D’un côté, de nombreux investisseurs ont en effet choisi de se spécialiser dans la tech. « Pour beaucoup d’entre eux, le premier objectif extra-financier est celui de la décarbonation », pointe Benoît Donnen, director – investment research and ESG chez New Alpha Asset Management. D’un autre côté, bon nombre de gérants ont lancé des fonds thématiques autour de la transition énergétique, du recyclage, de l’économie circulaire, etc., dans lesquels certaines participations revêtent une dimension technologique forte.
Un secteur polluant
« La transition numérique et la transition énergétique sont-elles pour autant compatibles ? », s’interroge à juste titre David Bigot, délégué général de l’association ROAM qui regroupe des sociétés d’assurance mutuelles. De fait, l’Ademe estime que les estimations de gaz à effet de serre du secteur du numérique pourraient avoisiner 10 % sur la période 2010-2025. « Indéniablement, celui-ci a un impact sur l’environnement qui n’est pas négligeable », reconnaît Rachida Mourahib, responsable de la recherche ESG chez Oddo BHF Asset Management. Il n’empêche, le recours au numérique contribue également à générer des effets positifs dans ce domaine. Et Rachida Mourahib de citer les cas de la mobilité durable et des smart grids (électricité intelligente) qui opèrent par exemple sur les bâtiments connectés. « Donc oui, la transition numérique est compatible avec la transition écologique et constitue clairement un soutien à la transition énergétique et durable écologique dans son ensemble », insiste-t-elle. Son apport serait d’autant plus important que l’innovation permet d’atténuer les externalités négatives. « Nous avons décidé d’installer des data centers sur des sites qui sont capables de valoriser la chaleur, explique Paul Benoît, président de Qarnot. Ainsi, nous faisons d’une pierre deux coups : nous vendons une première fois l’énergie à ceux qui vont utiliser les serveurs informatiques, et une deuxième fois à ceux qui ont besoin de la chaleur résiduelle – le déchet. »
La donnée ESG, le nerf de la guerre
Outre cette faculté que peut offrir le numérique pour réduire l’empreinte carbone, il apporterait une réelle valeur ajoutée en matière d’analyse extra-financière. « La donnée ESG constitue le nerf de la guerre », rappelle avant tout Rachida Mourahib. Or environ 80 % de la donnée globale disponible à ce jour n’est pas structurée, c’est-à-dire qu’elle n’est pas formatée. A ce titre, elle est très difficile à capter et à exploiter. « Dans cette masse de données, il y a la data dont nous avons justement besoin pour faire notre analyse et investir à bon escient, complète Rachida Mourahib. C’est précisément celle que l’on va capter grâce à l’intelligence artificielle. » Et dans ce domaine, les gérants redoublent d’efforts et d’investissements pour optimiser la collecte et le traitement des data ESG les plus précieuses.