Certes, les énergies renouvelables participeront à la neutralité carbone, mais cette dernière nécessite également une évolution des business models et des process des entreprises, notamment dans l’industrie.
Selon les termes de l’accord de Paris, la neutralité carbone est l’atteinte de l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les puits de carbone. « Cette approche donne le sentiment d’une gestion possible, voire nécessaire, de compensation », note Sylvie Malécot, présidente Z4FI (Ze Place for Finance). Si en termes de neutralité carbone, parler de compensation versus contribution est absolument essentiel, ce n’est cependant plus suffisant pour atteindre cet objectif de neutralité et faire face au changement climatique. « En effet, il n’y a pas suffisamment de puits de carbone sur terre pour compenser les émissions anthropologiques, précise Julien Denormandie, chief impact officer chez SWEEP. La seule solution, c’est la contribution qui consiste à dire que chacun à son niveau peut contribuer à la neutralité carbone, en réduisant ses émissions, en évitant les émissions et enfin, en compensant. »
L’innovation industrielle, clé de voûte de l’industrie net zéro
Pour s’inscrire dans cette trajectoire net zéro, les industries ont un rôle à jouer, notamment en termes d’innovation. « Les innovations deeptech préparent l’avenir plus lointain et les innovations de business model l’avenir immédiat, précise Karine Vernier, CEO d’Innoenergie. Par exemple, on peut créer une nouvelle commodité qui permettra de produire de l’acier décarboné. Si cette commodité est utilisée dans des hauts-fourneaux, l’acier sera décarboné à hauteur de 60 %, et si cette commodité est utilisée dans un four à arc électrique, on aura de l’acier totalement décarboné. Aujourd’hui, il y a très peu de vendeurs de cette commodité intermédiaire. » Pour développer ces technologies, il faut une intégration de toute la chaîne de valeur, des industriels jusqu’aux clients, en passant par les financeurs privés et publics.
Les investisseurs contribuent à l’émergence de l’industrie net zéro
Si aujourd’hui la nécessité d’atteindre la neutralité carbone à raison de 2050 est reconnue par tous, en revanche, le passage à l’action tarde encore à arriver. « Il y a un vrai écart aujourd’hui entre la nécessité d’agir, la volonté d’agir et ce qui se passe concrètement sur le marché, précise à ce sujet Thibaud Clisson, climate lead chez BNP Paribas Asset Management. Ce qui explique pourquoi la plupart des initiatives d’investisseurs se focalisent sur cette notion de jalons et la nécessité de ne pas reporter à plus tard mais de prendre une trajectoire avec des objectifs à horizon 2025 et à horizon 2030. »
A ce titre, la finance et l’investissement privé sont des acteurs absolument clés pour inciter les sociétés à se transformer. « Il nous revient de pousser les entreprises à s’engager de manière beaucoup plus ferme dans leur trajectoire de décarbonation et à faire en sorte qu’elle soit suivie avec la même rigueur et la même exigence que la publication des résultats trimestriels », ajoute Thibaud Clisson. « Aujourd’hui, lorsque nous avons un roadshow avec une société et que nous parlons du net zéro, le dialogue autour du calibrage de l’investissement, de la génération de cash-flow, de la valorisation de la valeur de la société est absolument clé, ajoute pour sa part Ludivine de Quincerot, responsable de l’ESG et de l’analyse financière chez Rothschild & Co Asset Management Europe. Le concept du net zéro est bien compris des investisseurs et des entreprises. Il est par ailleurs relativement mesurable. » « Nous sommes pionniers sur les obligations souveraines et avons par ailleurs rejoint l’initiative Net Zéro Asset Management il y a quelques mois, témoigne pour sa part Ophélie Mortier, chief sustainable investment officer, Degroof Petercam Asset Management. Aujourd’hui, 57 % des actifs sous gestion sont dans le scope de notre asset management net zéro. » AXA IM a également mis les enjeux climatiques et les stratégies environnementales au cœur de sa stratégie. « Nous travaillons avec nos clients à la définition de stratégies d’investissement qui contribuent à la neutralité carbone », précise ainsi Benoît Guerineau, gérant de portefeuille obligataire AXA IM.
L’industrie net zéro, un enjeu de souveraineté ?
Enfin, l’industrie net zéro est également un enjeu de souveraineté. Elle nécessite de préparer les emplois de demain autour de ce sujet et de faire évoluer les formations en conséquence. Sans cette vigilance sur les ressources humaines, la transition énergétique et l’industrie net zéro ne pourra pas se faire. « Le changement climatique est le plus grand facteur d’inégalité sociale dans les prochaines années, conclut Julien Denormandie. La première des choses pour lutter contre ces inégalités sociales consiste à tous nous engager dans la lutte contre ce changement climatique. »