Colville Capital Partners a obtenu, fin 2022, le prix de la société de gestion entrepreneuriale décerné par Funds Magazine et Option Finance. Ses deux fondateurs, Jacques-Antoine Philippe (à gauche) et Mathieu Philippe, reviennent sur la philosophie de leur boutique de gestion, et ses 500 millions d’euros d’encours.
Qu’est-ce qui a donné envie à deux frères comme vous de devenir des entrepreneurs de la gestion d’actifs ?
Jacques-Antoine Philippe : Nous avons débuté notre carrière dans la finance par deux crises : celle de 2001 lorsque nous étions encore étudiants puis celle de 2008. Ces expériences nous ont montré ce qu’il ne fallait pas faire. Nous avons ainsi acquis la conviction que nous voulions investir à long, voire à très long terme, dans des entreprises d’une qualité exceptionnelle et qui ont un comportement des plus responsables. Ce sont elles qui résistent le mieux aux crises. En créant Colville Capital Partners en 2015, nous avons aussi voulu mettre le client au centre de notre démarche. Ce sont les investisseurs institutionnels à qui nous avons présenté notre approche – et notamment la Caisse de prévoyance du personnel de la Sécurité sociale et assimilés (CAPSSA) – qui nous ont suggéré de nous intéresser à la thématique du vieillissement de la population, non pas via l’investissement dans des maisons de retraite ou la consommation des seniors, mais en nous focalisant sur l’enjeu du maintien à domicile. C’est ainsi que nous avons créé notre fonds Silver Autonomie. De même, c’est en échangeant avec Agrica que nous avons décidé de créer notre fonds Terroirs et Avenir dédié au monde agricole. Enfin, sous l’impulsion de familles et d’institutionnels, nous avons lancé notre fonds Générations ciblant les enjeux intergénérationnels. A chaque fois, nous couplons la vision de grands investisseurs et notre approche de gestion recherchant la performance durable.
Quels sont les grands axes de votre process de gestion ?
Mathieu Philippe : Pour chaque thématique, nous identifions plusieurs catégories d’activité et nous cherchons le ou les champions pour chacune d’elles, soit un total de 20 ou 30 par fonds. Nous adoptons une approche « bottom-up » rigoureuse, assise sur cinq critères : le modèle d’affaires des entreprises dans lesquelles nous investissons doit être hautement récurrent et générer une rentabilité élevée et durable ; leur management doit être compétent, honnête et transparent ; leur valorisation doit être raisonnable ; leurs opportunités de croissance sur leur marché doivent être significatives ; et enfin, elles doivent démontrer un comportement responsable.
Comment évaluez-vous ce dernier point ?
J.-A.P. : Tout d’abord, nous excluons de notre univers d’investissement les 20 % d’entreprises les moins bien notées sur les enjeux ESG. Nos fonds sont tous labellisés ISR. En outre, pour notre fonds Silver Autonomie, qui est catégorisé « article 9 » sous SFDR, nous cherchons à obtenir un impact mesurable sur la thématique du vieillissement. Mais il ne suffit pas de cocher les cases de la réglementation et de suivre les notes ESG. Nous devons effectuer ce travail d’analyse nous-mêmes pour appréhender plus finement la culture de l’entreprise. C’est une notion assez intangible, qui nécessite du dialogue avec les entreprises. Nous sommes en particulier sensibles à leur manière de réagir face à des controverses. Les entreprises sont preneuses d’un échange avec des investisseurs de long terme comme nous car nous voulons les aider à progresser. Nous sommes des activistes au sens positif du terme.
Avez-vous des exemples de sociétés dans lesquelles vous investissez ?
M.P. : Ce sont généralement de grandes capitalisations – parfois des mid-caps – cotées en Europe ou aux Etats-Unis qui répondent à de bons standards de gouvernance. Notre fonds Silver Autonomie investit par exemple dans Danaher qui produit des équipements pour les diagnostics médicaux et la production de médicaments biologiques et a joué un rôle important pendant la crise sanitaire. Notre fonds Terroirs et Avenir mise de son côté sur le fabricant de matériel agricole John Deere, très actif dans l’agriculture de précision et qui propose des solutions pour produire plus avec moins de ressources. Enfin, pour le fonds Générations, nous ciblons notamment une valeur comme MSCI qui accompagne les entreprises dans leurs efforts sur les enjeux ESG. C’est également notre fournisseur de données extra-financières.
Déclinez-vous cette approche responsable au niveau de votre propre entreprise ?
J.-A.P. : Tout à fait, car cette approche doit être un tout. Sur le plan des ressources humaines, nous avons à cœur de former des jeunes gérants et analystes sur les plus hauts standards d’exigence. En outre, dans une optique philanthropique, nous nous sommes engagés à soutenir l’Institut Imagine, dédié à la recherche sur les maladies génétiques, ainsi que la Fondation HEC, pour financer des bourses étudiantes.