La lettre de l'immobilier

Février 2017

SCI de construction-vente : l’objet statutaire prime

Publié le 3 février 2017 à 14h43    Mis à jour le 3 février 2017 à 16h56

François Lacroix

On sait que, pour conserver son régime fiscal spécifique (visé à l’article 239 ter du Code général des impôts) lui permettant de ne pas être soumise à l’impôt sur les sociétés, une société civile de construction-vente d’immeubles ne doit exercer aucune autre activité commerciale, et notamment, ne doit pas, en principe, revendre en l’état des terrains.

Par François Lacroix, avocat associé en en fiscalité. Il intervient plus particulièrement dans les secteurs de la fiscalité immobilière, des services publics, des entreprises et des personnes morales publiques ou privées non lucratives. francois.lacroix@cms-bfl.com

C’est au contraire ce qu’avait fait une société civile immobilière (SCI) en octobre 2007, ayant revendu non construites plusieurs parcelles de terrains à une autre société de son groupe et ayant pris l’initiative de considérer que cette cession l’avait rendue soumise à l’impôt sur les sociétés, conformément à l’analyse habituellement retenue par l’Administration et par la jurisprudence.

Pour autant, un litige fiscal s’ensuivit, car l’administration fiscale, sans doute pour que les résultats de la SCI demeurent imposés entre les mains de ses associés, défendait au contraire que cette SCI n’avait pas perdu son régime fiscal particulier et n’était pas soumise à l’impôt sur les sociétés !

Sur renvoi du Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel de Lyon a dû ainsi départager deux parties argumentant chacune à front renversé. Dans sa décision du 16 octobre 2016, elle donna raison à la SCI et ses associés, et conclut, au moyen d’arguments qui méritent notre attention, que celle-ci ne relevait plus du régime de l’article 239 ter, mais de celui de l’impôt sur les sociétés.

Tout d’abord en effet, c’est dans l’objet statutaire de la SCI que le juge fiscal a trouvé la cause première de cette déchéance : dérogeant à l’exigence d’une activité se rapportant exclusivement à la construction et à la vente d’immeubles, l’objet n’était pas limité à ces seules activités, mais comprenait «accessoirement, […] l’acquisition d’un patrimoine mobilier par achat, vente et apports de tous biens et droits immobiliers», la cession des parcelles paraissant réduite à une confirmation de l’actualité de cette clause (la décision ajoutant que la SCI «a d’ailleurs procédé à la cession de parcelles [...]»).

Dans le droit fil d’autres jurisprudences ayant exclu de ce régime spécial des SCI dont l’objet statutaire était incomplet (seule était visée soit la construction d’immeubles, soit leur vente) ou pléthorique (car incluant «tout placement de capitaux, sous toute forme, […] et, en général, toute opération de promoteur immobilier»), cette décision rappelle opportunément combien, pour cette catégorie de SCI, est importante une correcte rédaction de l’objet statutaire, lequel doit correspondre à celui de construction et vente d’immeubles et ne pas porter mention d’autres activités fiscalement commerciales.

Ensuite, la situation jugée est porteuse d’une dimension supplémentaire, tenant à ce que les décisions prises par la SCI concernant les ventes de terrains à une autre société du groupe et les conséquences fiscales qui en ont été spontanément tirées l’ont conduite à se voir reconnaître par la Cour la possibilité d’être passée du régime de l’article 239 ter à celui de l’impôt sur les sociétés, alors que le régime fiscal des sociétés de construction-vente exclut, au contraire de la généralité des sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés, la possibilité d’une option pour cet impôt.

Enfin, cette affaire incite à la vigilance : rappelons qu’une contestation par l’Administration du régime fiscal retenu par une société de construction-vente induit, pour cause de prescription du droit de réclamer, un risque de double fiscalisation si celui ayant initialement déclaré le résultat (selon le régime d’imposition retenu, l’associé ou la SCI) n’a pas introduit une réclamation conservatoire pendant la même année civile que celle au cours de laquelle l’administration fiscale a opéré ses rectifications.

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