On sait que les résidents d’Etats tiers à l’EEE (Union européenne, Islande, Norvège et Liechtenstein) sont moins bien traités que les résidents de France en ce qui concerne leurs plus-values immobilières réalisées en France. En effet, les résidents de France et de l’EEE sont soumis à un taux forfaitaire de 19 % (hors application éventuelle des surtaxes), alors que les résidents d’Etats tiers sont généralement soumis au prélèvement du tiers (33 1/3 %) sur ces mêmes plus-values.
Par Julien Saïac, avocat associé en fiscalité internationale.
La question tranchée par le Conseil d’Etat concernait l’article 164 C du Code général des impôts (CGI), qui crée pour les non-résidents détenant une habitation en France une imposition sur un loyer théorique, mais le raisonnement semble transposable au dispositif de l’article 244 bis A du CGI, qui vise les cessions immobilières des non-résidents. L’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) pose le principe selon lequel toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont prohibées. Toutefois, une exception est prévue par la «clause de gel» de l’article 64 du TFUE : cette clause autorise en effet les Etats membres à maintenir une restriction à la liberté de circulation des capitaux lorsque la restriction existait au 31 décembre 1993 et qu’elle concerne des investissements directs, y compris les investissements immobiliers.
La question fondamentale était la suivante : un investissement immobilier de type patrimonial constituait-il un «investissement direct» au sens de l’article 64 du TFUE ? Dans un arrêt Yvon Welte, du 17 octobre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que la notion d’investissement direct concernait les investissements auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique. La Cour en déduit que l’expression «investissements directs, y compris les investissements immobiliers» de l’article 64 du TFUE ne vise pas des investissements immobiliers de type «patrimonial», effectués à des fins privées sans lien avec l’exercice d’une activité économique.
L’acquisition par les requérants d’une résidence secondaire en France n’ayant pas été effectuée en vue de l’exercice d’une activité économique, le Conseil d’Etat en conclut qu’un tel investissement ne constituait pas un investissement direct susceptible d’une discrimination permise par la clause de gel de l’article 64 du TFUE. Dès lors que la clause de gel ne protège pas les investissements immobiliers patrimoniaux, et qu’il ne paraît pas exister de raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier la différence de traitement(1), il est probable que le prélèvement du tiers ne puisse plus non plus s’appliquer dans ce cas, quel que soit l’Etat de résidence du cédant.
Que faire en pratique ?
Pour l’avenir, les investissements immobiliers de type «patrimonial», effectués à des fins privées sans lien avec l’exercice d’une activité économique, pour lesquels la discrimination semble désormais prohibée, devront donc être distingués des «investissements directs immobiliers» effectués en vue de l’exercice d’une activité économique. En ce qui concerne le passé, les réclamations devront être introduites, selon le cas, soit le 31 décembre de l’année suivant le prélèvement, soit le 31 décembre de la seconde année.
(1). Sous réserve de résidents d’Etats n’ayant pas conclu d’accord d’assistance administrative avec la France.