Deux récentes décisions conduisent à s’interroger sur la rédaction de la clause relative aux charges récupérables dans les baux commerciaux où le principe est celui de la liberté contractuelle. Plus précisément, la question est celle de savoir si, pour pouvoir exiger le paiement des charges par le locataire, le bail doit mentionner expressément chaque charge ou bien si une répartition précise et sans ambiguïté suffit.
Par Brigitte Gauclère, avocat spécialisé en droit immobilier et et Alexis Bussac, avocat spécialisé en fiscalité locale.
Dans l’arrêt rendu le 13 juin 2012 (n° 11-17114), la question posée était celle de savoir si le bailleur pouvait exiger de son locataire le remboursement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. La Cour de cassation a cassé la décision d’appel qui avait admis ce remboursement en rappelant que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne pouvait être mise à la charge du preneur qu’en vertu d’une stipulation contractuelle.
Dans l’arrêt rendu le 6 mars 2013 (n° 11-27331), il s’agissait de savoir si le bailleur pouvait réclamer le paiement des travaux de ravalement, de réparations de toiture et de remplacement de la chaudière collective de l’immeuble au prorata de la surface occupée par le preneur dès lors que le bail mettait à la charge de ce dernier non seulement les réparations concernant le local loué, mais encore toutes autres, de quelque nature qu’elles soient, y compris les grosses réparations définies à l’article 606 du Code civil. Là encore, la Cour de cassation a cassé l’arrêt qui avait admis ce remboursement pour ne pas avoir constaté que des stipulations expresses du bail commercial mettaient à la charge du locataire les travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif.
Le conseil donné par quelques commentateurs de ces arrêts d’établir une liste conventionnelle exhaustive des charges récupérables sur le locataire relève de la prudence à laquelle oblige le principe selon lequel une obligation imprécise s’interprète en faveur de celui qui s’oblige (article 1162 du Code civil ; en ce sens, CA Versailles 6 septembre 2007 : RJDA 2/08 n° 103 ; CA Paris 2 avril 1992 : Administrer octobre 1992, p. 94). Les clauses des baux en cause n’étaient cependant pas dénuées d’ambiguïté et il n’est pas certain que tel soit l’enseignement impératif à tirer de ces décisions.
S’agissant plus particulièrement de la taxe foncière ainsi que de la taxe annuelle sur certains locaux en Ile-de-France dont le bailleur est redevable en sa qualité de propriétaire, il est d’usage d’inclure une clause dans le bail permettant leur refacturation au locataire. Cette refacturation répond à la logique selon laquelle le locataire devrait supporter toutes les charges liées aux locaux dont il a la jouissance.
La question de la refacturation de la contribution économique territoriale (CET) est plus complexe et ne va pas de soi dès lors que cette dernière frappe non pas la propriété de l’immeuble, mais l’exercice de l’activité propre des bailleurs.
Ainsi, la refacturation de la CFE du bailleur ne serait pas logique puisque cette taxe est calculée sur la valeur locative foncière des locaux qu’il occupe pour sa propre activité et non sur celle des locaux qu’il donne en location, laquelle est directement imposée au nom du locataire. Concernant la CVAE, celle-ci est calculée sur la base d’un pourcentage de la valeur ajoutée globalement produite par la société qui est variable en fonction de son chiffre d’affaires.
La refacturation de la CVAE acquittée par le bailleur poserait la question de sa répartition entre les différents locataires dès lors qu’elle est calculée en tenant compte de l’ensemble des actifs du bailleur, voire d’autres activités qui n’auraient pas de lien avec la location. De ce point de vue, la refacturation de la CET pourrait, selon nous, susciter des contestations de la part du locataire, tant au niveau de son principe que des modalités de calcul des sommes refacturées.
Contractuellement, seuls les impôts grevant l’immeuble donné en location (taxe foncière, taxe bureaux, etc.) devraient être prévus comme refacturables à l’exclusion de ceux frappant l’activité du bailleur (impôt sur les sociétés, CET, etc.).