La prise en compte du droit de l’environnement et plus particulièrement du droit des installations classées(1) lors de la rédaction des baux commerciaux mérite une attention particulière tant pour le bailleur que pour le preneur. En effet, souvent occultées, les obligations des parties sont pourtant loin d’être négligeables notamment lorsqu’une installation classée (ICPE) a vocation à être exploitée par le preneur sur le bien donné à bail.
Par Céline Cloché-Dubois, avocat, spécialiste en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement.
Obligation d’information du bailleur à l’égard du preneur
Aux termes de l’article L. 125-7 du code de l’environnement(2), le bailleur d’un terrain est tenu d’informer par écrit le locataire des informations rendues publiques par l’Etat faisant état d’un risque de pollution des sols affectant le terrain objet du bail. A défaut, si une pollution est constatée et rend le terrain impropre à sa destination précisée dans le bail, le locataire a la possibilité de demander la résolution du bail ou d’obtenir une réduction du loyer dans un délai de deux ans après la découverte de la pollution.
Délivrance du bien loué
Certains baux peuvent être conclus sous la condition déterminante d’une dépollution préalable du bien par le bailleur. Une telle clause impose au bailleur une véritable obligation de résultat. Aussi, lorsqu’elle est envisagée, il convient d’être particulièrement vigilant et de circonscrire précisément l’étendue de la dépollution à réaliser, d’associer le preneur en lui transmettant l’ensemble des rapports et comptes-rendus et de le convier aux réunions de chantier. La Cour de cassation a en effet écarté la responsabilité du bailleur dans une telle hypothèse alors même que persistait une pollution résiduelle(3).
Obligations du preneur en fin de bail
Lorsque l’exploitant d’une installation classée envisage de mettre fin à son activité sur un site, il est alors assujetti au respect de différentes obligations : notification de la cessation d’activité à l’Administration ; mise en sécurité du site (évacuation des déchets, suppression des risques d’incendie et d’explosion, etc.) ; établissement d’un mémoire de réhabilitation ; remise en état du site. Seul le preneur, en sa qualité de dernier exploitant en titre (c’est-à-dire dûment déclaré/autorisé par le préfet), est responsable de la remise en état du site à l’égard de l’Administration.
De telles obligations en fin de bail ne sont pas neutres. En effet, et en premier lieu, si en droit commun du bail, le simple fait de quitter matériellement les lieux donnés à bail constitue une restitution juridique des lieux, tel n’est pas le cas lorsque le dernier exploitant a exploité une installation classée. Dans ce cas, le preneur ne sera réputé avoir restitué les lieux qu’une fois qu’il se sera acquitté de son obligation de remise en état des lieux(4). Par suite, le preneur sera redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’à la date à laquelle il aura justifié avoir mis en œuvre l’ensemble des mesures de remise en état.
En second lieu, précisons que si l’étendue de l’obligation du preneur est déterminée par rapport à l’usage futur du site dans les conditions fixées par le code de l’environnement, un bail commercial peut être plus exigeant en matière de remise en état et de dépollution. Ainsi, lorsqu’un bail commercial impose au preneur de restituer le bien loué net et exempt de toute pollution, le preneur sera considéré comme n’ayant pas rempli son obligation contractuelle telle que stipulée dans le bail au titre de la clause de restitution des biens loués s’il reste des traces de pollution, et ce, quand bien même il se serait conformé aux dispositions légales et réglementaires de remise en état correspondant à l’usage ainsi fixé(5).
(1). Articles L. et R. 511-1 et suivants du code de l’environnement.
(2). Un décret en Conseil d’Etat doit encore définir les modalités d’application de cet article.
(3). CA Paris, 7 mars 2012 ; confirmé par Cass. 3e civ. 9 avril 2013,
n° 12-20344.
(4). Par exemple : Cass. 3e civ.,
10 avril 2002. Ce principe vaut alors même que le locataire commercial aurait été évincé avec offre d’indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 19 mai 2010).
(5). CA Versailles, 3 janvier 2012