Dotées d’un statut particulier par les articles L. 211-1 à L. 211-4 du code de la construction et de l’habitation, les sociétés civiles dont l’objet social est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de la vente bénéficient d’un régime fiscal dérogatoire au droit commun qui a largement contribué à leur succès auprès des promoteurs immobiliers.
Par Agnès Rivière-Durieux, avocat en fiscalité spécialisé dans les questions d’impôts sur le revenu et sur les sociétés, notamment liées à l’immobilier.
Si l’activité de construction en vue de la vente est civile au plan juridique, l’article 35 1° bis du Code général des impôts (CGI) lui confère un caractère commercial pour l’application de l’impôt. Conformément au principe posé par l’article 206 2 du CGI, la réalisation d’opérations visées aux articles 34 et 35 par une société civile entraîne son assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Et c’est par dérogation à ce principe que l’article 239 ter prévoit que les sociétés civiles de construction-vente ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés mais soumises au régime fiscal des sociétés de personnes. Le régime dérogatoire n’est pas subordonné à la condition que l’objet de construction-vente soit réalisé à titre exclusif.
L’Administration a toujours précisé qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon que cet objet est réalisé à titre exclusif, ou conjointement avec l’exercice d’une activité purement civile du point de vue fiscal telle que la location d’immeubles. Par contre, les sociétés civiles qui, en sus de la construction d’immeubles en vue de la vente, exercent une autre activité relevant, au plan fiscal, de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, doivent être assujetties à l’impôt sur les sociétés (BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-20120912). La jurisprudence accepte de considérer que la réalisation d’opérations pourtant commerciales au plan fiscal ne remet pas en cause l’application des dispositions de l’article 239 ter lorsqu’elles permettent de mener à bien la vente des immeubles construits (vente de mobiliers équipant les parties communes d’une résidence pour personnes âgées CE 27/02/1989 n° 57066, SCI La Résidence du Bocage) ou présentent un intérêt direct pour la réalisation de l’objet social (revente d’un terrain en contrepartie de l’abandon d’une servitude de passage CE 28/01/1983 n° 28193).
En précisant que le régime de l’article 239 ter est réservé aux sociétés civiles qui réalisent uniquement des opérations de construction en vue de la vente, le considérant de certains arrêts pouvait laisser croire que l’article 239 ter du CGI posait une condition d’exclusivité de l’objet des sociétés (CE 5/04/1978 n° 1211 ; CE 27/09/1991 n° 110130). Si ce principe d’exclusivité n’avait vraisemblablement vocation à concerner que les seules activités commerciales au plan fiscal, le Conseil d’Etat en a pourtant fait application à une société civile de construction-vente (SCCV) qui avait donné les immeubles construits en location. Au lieu de juger qu’une activité civile ne saurait priver la société de son régime, il a considéré qu’en raison de son caractère accessoire et préalable à la vente, la location n’a constitué qu’une des modalités par lesquelles la société a mené à bien la vente de ses immeubles et ne lui a ainsi pas fait perdre le bénéfice de son régime fiscal dérogatoire (CE 6/11/1998 n° 171927, SCI Paradis Prat).
Faisant application des mêmes principes, une cour administrative d’appel a jugé qu’une SCCV dont l’activité de location n’était pas accessoire devait être assujettie à l’impôt sur les sociétés sur la totalité de ses bénéfices (CAA Bordeaux n° 08BX00965). C’est cet arrêt que vient de censurer le Conseil d’Etat (28/11/2012 n° 332110 SCI Virapin Apou) en jugeant que le régime dérogatoire cesse de s’appliquer aux sociétés civiles qui se livrent, en plus des opérations de construction-vente, à d’autres opérations qui, si elles étaient effectuées isolément, auraient pour conséquence la soumission de ces sociétés à l’impôt sur les sociétés en application des dispositions combinées des articles 206, 34 et 35 du CGI. Il a ainsi permis de clarifier la situation en jugeant : – que l’objet de construction-vente n’est pas exclusif ; – qu’une activité de location de nature civile, même non accessoire, ne prive pas la société du régime prévu à l’article 239 ter du CGI.