Il est assez courant d’utiliser les sociétés de personnes dans le cadre des investissements immobiliers en France. Il faut néanmoins se méfier de certaines difficultés liées à leur utilisation dans un contexte international.
Par Julien Saïac, avocat associé en fiscalité internationale.
L’application des conventions fiscales
Selon l’article 4 §1 de la convention modèle OCDE, «l’expression “résident d’un Etat contractant” désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue». La question est donc de savoir si les sociétés de personnes françaises sont bien assujetties à l’impôt en France, quand bien même le paiement de l’impôt serait effectué par leurs associés.
La jurisprudence est désormais bien établie : le Conseil d’Etat accepte de reconnaître aux sociétés de personnes françaises la qualité de résidentes au sens des conventions fiscales internationales. Ainsi, dans l’arrêt du 11 juillet 2011 Sté Quality Invest, il a été jugé qu’une SCI française était «susceptible d’être regardée comme résidente de France» au sens de la convention franco‑norvégienne. Cela étant, certains pays étrangers peuvent avoir une approche différente et considérer que les sociétés de personnes françaises ne sont pas résidentes de France au sens de la convention.
Il sera prudent dans ce cas d’obtenir un certificat de résidence de la part de l’administration française. Des difficultés peuvent surgir également en matière d’application des taux favorables de retenues à la source, par exemple lors de la perception de dividendes de source étrangère. La convention modèle OCDE prévoit en effet que le taux réduit de 5 % ne s’applique que si le «bénéficiaire effectif est une société (autre qu’une société de personnes)». On retrouve cette exigence sous différentes formes selon les conventions fiscales : tantôt il est exigé que la société bénéficiaire soit assujettie à l’impôt sur les sociétés (exemple : Espagne, Italie) ; tantôt il est demandé que la société bénéficiaire soit une société de capitaux (exemple : Allemagne). Dans les deux cas, une société de personnes française n’aura a priori pas droit au taux réduit de retenue à la source sur les dividendes.
L’absence d’éligibilité aux directives européennes
Les sociétés de personnes françaises, lorsqu’elles sont translucides fiscalement, ne peuvent pas se prévaloir des dispositions des principales directives européennes. En effet, la directive mères-filiales relative aux dividendes s’applique aux sociétés listées en annexe, soit pour la France, principalement les sociétés de capitaux et les autres sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés. Il en est de même de la directive relative aux intérêts et redevances versés entre sociétés européennes associées.
L’absence de régime mère-filles en cas d’interposition d’une société de personnes
L’interposition d’une société de personnes empêche par ailleurs l’application du régime mère-filles en France. La position traditionnelle du Conseil d’Etat (arrêt du 19 octobre 1983 sur les GIE) vient d’être confirmée récemment par la cour administrative d’appel de Versailles dans un cadre franco‑américain (arrêt Artemis SA, 16 juillet 2012). En l’espèce, une société française détenait une participation dans un «partnership» américain, qui lui-même détenait une participation de plus de 10 % dans une société Roland, de droit américain.
La cour a jugé que l’interposition du «partnership» américain empêchait la société Artemis SA de bénéficier du régime des sociétés mères car (i) Artemis SA ne percevait pas le dividende directement de la société de capitaux Roland et (ii) le «partnership» ne constituait pas une filiale éligible au régime mère-filles.