En 1964, pour l’activité de construction-vente de certains immeubles, l’impôt sur les sociétés (IS) s’appliquait au taux normal de 50 %, impôt auquel seule la société en nom collectif échappe (mais elle rend ses associés commerçants et responsables solidaires des pertes sociales !). Est alors créé le régime fiscal des sociétés civiles immobilières (SCI) de construction-vente de l’article 239 ter du Code général des impôts (CGI), adopté, malgré ses contraintes, par les constructeurs-vendeurs désireux soit d’éviter l’IS et l’impôt sur le revenu (pouvant alors atteindre 65 %) sur les dividendes ensuite reçus, soit de voir remonter vers eux les pertes fiscales éventuelles.
Par François Lacroix, avocat associé en fiscalité. Il intervient plus particulièrement dans les secteurs de la fiscalité immobilière, des services publics, des entreprises et des personnes morales publiques ou privées non lucratives. francois.lacroix@cms-bfl.com
En 2016, changement radical d’horizon : le régime de l’IS pointe un taux bien moindre (le plus souvent à 33,1/3 %) et un couplage possible à une intégration fiscale mutualisant les résultats, notamment déficitaires. En outre, si elle le préfère, une société de capitaux de construction-vente peut éviter l’IS pendant cinq ans (sauf en cas d’activité civile complémentaire majoritaire, par exemple celle de la location durable), lorsque les associés sont majoritairement des personnes physiques.
Pourtant, plus de 50 ans après sa création, ce régime vintage demeure souvent utilisé et régulièrement soumis au Conseil d’Etat qui, le plus souvent, cherche à en préserver la viabilité.
Ainsi, tout récemment, la décision du 4 mai 2016 (n° 383.135) a refusé de reconnaître l’assujettissement à l’IS d’une SCI (revendiqué par ses associés car plus favorable que le droit commun de l’impôt sur le revenu et conforme à la jurisprudence existant en 2008). Le Conseil d’Etat a confirmé que les activités locatives durables, tant antérieures que postérieures à celle de la construction-vente, étaient toutes deux compatibles avec le régime fiscal de l’article 239 ter du CGI.
Que résulte-t-il de cette décision ?
Tout d’abord, qu’une SCI d’abord locative peut ensuite bénéficier de ce régime fiscal dans la mesure où les conditions d’objet et de responsabilité exigées par l’article 239 ter du CGI peuvent ne s’apprécier que lors du changement d’activité, en fonction des statuts mis à jour. Insistons sur le fait que ce recyclage d’activité ne vaut que pour les SCI et quasiment jamais pour d’autres formes de sociétés, probablement vouées à demeurer soumises à l’IS.
Ensuite, que cette date de changement d’activité retenue pour apprécier les conditions dudit article 239 ter serait aussi celle à retenir pour identifier le caractère habituel et spéculatif requis par l’article 35 du CGI et sans lequel l’article 239 ter n’a pas besoin de s’appliquer. Pour être logique, cette synchronisation des deux catégories de conditions n’en est pas moins constructive, compte tenu que, légalement, la condition d’intention spéculative s’apprécie lors de l’achat de l’immeuble (en l’occurrence, du terrain ensuite construit mais qui avait pu être acquis à des fins locatives).
Enfin, qu’une activité locative durable d’immeubles, transférés de stocks en immobilisations après n’avoir «pas trouvé acquéreur», peut être qualifiée de «nécessaire et accessoire» à celle de la construction-vente. Le Conseil d’Etat semble ainsi interpréter extensivement ces deux caractères et ne pas tirer les conséquences du changement, tant juridique que factuel, d’affectation des immeubles, pour les traiter comme s’ils étaient demeurés des stocks. Si cette analyse devait être confirmée, les cas d’application de la jurisprudence Virapin Apou du 28 novembre 2012 (n° 332.110), jugeant solubles dans l’article 239 ter toutes les activités civiles, notamment locatives durables, pourraient ne viser que les seuls secteurs locatifs immobiliers qui auraient été prévus dès avant la commercialisation des immeubles vendus.