Les mutations portant sur des biens immobiliers conduisent à des changements de débiteur légal de la taxe foncière. Mais surtout, ces mutations sont susceptibles d’entraîner des modifications de la valeur locative foncière servant au calcul de la taxe foncière, de la cotisation foncière des entreprises ou de la taxe d’habitation.
Par Laurent Chatel, avocat associé en fiscalité, responsable du service impôts locaux. Dans le cadre des opérations immobilières, il est amené à contrôler les valeurs foncières servant d’assiette à la fiscalité locale, à auditer lesdites valeurs dans le cadre des «deals» de cession de parcs immobiliers, à négocier avec les services fiscaux les conditions d’imposition à la fiscalité locale en matière d’opérations de restructurations lourdes. laurent.chatel@cms-bfl.com
et David Barreau, avocat en en fiscalité. Il intervient plus particulièrement dans les dossiers de conseil et de contentieux en matière de fiscalité locale. david.barreau@cms-bfl.com
L’impact d’une mutation immobilière sera différent selon que la transaction porte directement sur un immeuble (asset deal) ou sur les titres de la société qui le détient (share deal). Dans ce dernier cas, l’opération n’entraîne pas de changement de propriétaire des murs, donc de redevable de l’impôt, ni de modification de la valeur locative foncière des immeubles de la société cible.
Il en va autrement lorsque la transaction porte directement sur un bien immobilier.
Changement de redevable légal de la taxe foncière
Sous réserve des hypothèses visées à l’article 1400-II du Code général des impôts (CGI - cas du démembrement de propriété, de certains titres d’occupation spécifiques ou du contrat de fiducie), la taxe foncière est établie au nom du propriétaire de l’immeuble imposé.
La transaction portant sur l’immeuble entraîne donc un changement de redevable légal de l’impôt.
Pour autant, la taxe foncière émise au titre de l’année suivant celle de la transaction ne sera effectivement appelée au nom de l’acquéreur que si l’acte a été publié au fichier immobilier (article 1402 du CGI). A défaut, l’ancien propriétaire reste imposé. Toutefois, l’article 1404 du CGI prévoit que celui-ci peut en obtenir le dégrèvement en déposant une réclamation contentieuse, sous réserve d’accomplissement de la formalité précitée.
Modification de la valeur locative foncière de l’immeuble objet de la transaction
Si ce n’est l’hypothèse d’un immeuble dont la valeur locative est manifestement sous-évaluée et dont la cession pourrait attirer l’attention des services fiscaux, la transaction portant sur un immeuble non industriel n’entraîne pas, en principe, une remise en cause de celle-ci.
En revanche, la transaction portant sur un immeuble industriel pourra entraîner une réévaluation de sa valeur locative foncière.
En effet, celle-ci est évaluée selon la méthode comptable, prévue à l’article 1499 du CGI, qui consiste à appliquer un taux d’intérêt au prix de revient des biens passibles de la taxe foncière, immobilisés chez le propriétaire et chez son éventuel locataire, revalorisé au moyen de coefficients d’actualisation.
La valeur locative foncière d’un immeuble industriel évoluera donc nécessairement, lors de sa mutation, à la hausse si le prix de vente est supérieur à celui immobilisé à l’actif du vendeur ou à la baisse si ce prix de vente est inférieur ou égal (par la neutralisation de l’effet des coefficients d’actualisation) à celui inscrit au bilan de l’ancien propriétaire.
Toutefois, lorsque la transaction ne porte pas sur un immeuble isolé mais sur un établissement (transfert de l’ensemble des éléments mobiliers et immobiliers, corporels et incorporels, utilisés par le cédant pour l’exercice de son activité), l’article 1518 B du CGI prévoit l’application d’une valeur locative minimum fixée aux quatre cinquièmes de la valeur locative avant l’opération, voire à 100 % de ce montant lorsque le cédant et le cessionnaire sont des entreprises liées.
Dans le même sens, les dispositions de l’article 1499-0 A du CGI prévoient que la valeur locative de biens immobiliers ne peut être inférieure à celle retenue chez l’ancien propriétaire au titre de l’année de la cession lorsque l’immeuble :
– est acquis par un crédit-preneur par levée d’option de crédit-bail ; et
– qu’il fait l’objet d’un contrat de crédit-bail ou de location au profit de la personne qui l’a cédé.
Enfin, l’acquéreur s’assurera du paiement des taxes émises afin d’éviter un éventuel droit de suite.
En conclusion, il est impératif de s’assurer que les publications sont bien effectuées avec diligence par le notaire et que l’opération ne risque pas d’entraîner une majoration des impôts locaux.