La fixation conventionnelle du loyer révisé par les parties constitue une modification des obligations respectives des parties en cours de bail entraînant le déplafonnement du loyer du bail révisé.
Par Géraldine Machinet, avocat en droit immobilier. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, notamment en matière de baux commerciaux. geraldine.machinet@cms-fl.com et Apolline Coly, avocat en droit immobilier. Elle assiste des investisseurs, français et internationaux, et des promoteurs sur l’ensemble des aspects, tant privés que publics, du droit immobilier. apolline.coly@cms-fl.com
Le loyer du bail commercial peut faire l’objet d’une modification, soit en cours de bail par le biais d’une action en révision du loyer, soit à la fin du bail commercial dans le cadre d’une fixation du loyer de renouvellement.
S’agissant de la fixation du loyer de renouvellement, l’article L.145-34 du Code de commerce stipule qu’à moins d’une modification notable des obligations respectives des parties, le loyer de renouvellement doit être fixé au montant du loyer plafond.
Par un arrêt du 15 février 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la fixation conventionnelle du loyer intervenue entre les parties emportait renonciation à la procédure en révision judiciaire du loyer et constituait une modification notable des obligations respectives des parties intervenues en cours de bail (Cass. 3e civ., 15 février 2018, n° 17-11866, 17-11867). Dans ces conditions, la Haute juridiction a considéré que cette fixation conventionnelle constituait un motif de déplafonnement entraînant la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative.
Au cas particulier, deux baux commerciaux portant sur des locaux contigus avaient été conclus le 3 juin 2003. Le bailleur avait engagé le 17 janvier 2012 une procédure en fixation des loyers révisés sur le fondement de l’article L.145-39 du Code de commerce, étant précisé que l’expert judiciaire avait retenu une valeur locative de 120 000 euros hors taxes hors charges. Le 21 février 2013, le locataire avait initié une procédure en renouvellement des deux baux à compter du 1er avril 2013 aux conditions antérieures. Les parties avaient signé le 7 mars 2017, deux avenants par lesquels elles avaient convenu de réajuster le loyer du bail en cours à la somme annuelle en principal de 100 000 euros par an pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, ces avenants ayant emporté renonciation des parties aux procédures de révision des loyers.
Si la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’affirmer ce principe (Cass. 3e civ., 24 mars 2004, n° 366), il n’en demeure pas moins que cet arrêt constitue un rappel intéressant de l’incidence de la conclusion d’un avenant de révision en cours de bail commercial sur la fixation du loyer de renouvellement. Rappelons que le loyer n’aurait pas été déplafonné si les parties avaient été au bout de la procédure en fixation du loyer du bail révisé sur le fondement de l’article L.145-39 du Code de commerce puisque cette fixation relève d’une modification légale ne constituant pas une modification conventionnelle des parties ouvrant droit à déplafonnement.
En pratique, il est conseillé aux parties de prévoir, lors de la conclusion d’un avenant de révision emportant renonciation à leur demande de révision, une clause expresse stipulant que cette modification conventionnelle du loyer ne pourra pas être prise en compte pour déterminer l’existence d’un motif de déplafonnement lors de la fixation du loyer du bail renouvelé. En effet, les dispositions de l’article L.145-34 du Code de commerce relatives à la fixation du loyer de renouvellement ne sont pas d’ordre public puisqu’elles ne sont pas visées par l’article L.145-15 du Code de commerce, les parties pouvant donc librement encadrer le mécanisme de fixation du loyer de renouvellement.