La question de la qualification de la destination des résidences services met en exergue la porosité des frontières des destinations reconnues par le Code de l’urbanisme. Le rattachement à telle ou telle destination dépendra en effet d’une analyse fine du mode d’exploitation de la résidence et plus particulièrement de la combinaison des paramètres services/modalités d’occupation.
L’enjeu est d’importance. Ce travail de qualification déterminera en effet la faisabilité du projet au regard des destinations autorisées ou soumises à condition dans la zone concernée ou encore écartera ou non l’assujettissement à une obligation de réalisation de logements locatifs sociaux.
La summa divisio des résidences services
Il sera rappelé que, depuis la réforme des destinations entrée en vigueur en 2016 (R. 151-27 du Code de l’urbanisme et l’arrêté du 10 novembre 2016 modifié), la qualification de ces résidences s’inscrit désormais dans une summa divisio. Ces résidences relèvent de l’une ou l’autre des destinations : Habitation ou Commerce avec activité de service. Le rattachement à une catégorie de constructions d’intérêt collectif (« équipements d’intérêt collectif et services publics ») ne sera plus possible puisque cette catégorie est destinée à être réservée à des établissements soumis à des régimes spécifiques (établissements médico-sociaux).
Les deux destinations identifiées sont elles-mêmes divisées en deux sous-catégories (sous-destinations) :
Logement ou hébergement pour la destination « habitation » ;
Et hôtels ou autres hébergements touristiques pour ce qui est de la destination « commerce et activités de service ».
Plus précisément, le logement se définit comme les constructions destinées au logement principal, secondaire ou occasionnel des ménages à l’exclusion des hébergements couverts par la sous-destination « hébergement ».
L’hébergement recouvre quant à lui les constructions destinées à l’hébergement dans des résidences ou foyers avec services (maisons de retraite, résidences universitaires).
Les « hôtels » recouvrent les constructions destinées à l’accueil de touristes dans des établissements commerciaux qui offrent à une clientèle de passage qui, sauf exception, n’y élit pas domicile, des chambres ou des appartements meublés en location, ainsi qu’un certain nombre de services.
Les « autres hébergements touristiques » sont les constructions autres que les hôtels destinées à accueillir des touristes, notamment les résidences de tourisme et les villages de vacances.
La combinaison des critères de classification des constructions
Les indices de classification sont multiples et se combinent pour conduire à l’élaboration d’un tableau à plusieurs entrées.
Dans un premier temps, sont concernés les services. Les services proposés caractérisent-ils une activité hôtelière ? Le Code de l’urbanisme vise en effet « un certain nombre de services » pour définir les hôtels. Ces services ne sont pas expressément énumérés mais les services caractérisant une activité hôtelière au sens de l’article L.261-D du Code général des impôts (TVA) servent de référence à l’Administration (Fiche technique 6 Réforme des destinations). Il s’agit des services suivants : la réception même non personnalisée de la clientèle, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et le petit-déjeuner.
Les services sont-ils imposés et inclus ou sont-ils à la carte, voire tellement à la carte qu’ils disqualifient toute activité commerciale hôtelière et font dès lors relever l’activité de la simple location de meublés de tourisme ? Ainsi, la proposition optionnelle et théorique de certains des services n’apparait donc pas suffisante pour conclure à une exploitation hôtelière et pourra qualifier une autre forme d’hébergement touristique.
Dans un second temps, l’affectation à une population déterminée (étudiants ; personnes âgées) combinée à l’existence de services communs non individualisés spécifiquement adaptés à cette catégorie de population (accueil permanent et personnalisé ; personnel spécifique attaché à la résidence ; espaces communs ; surveillance...) caractérisera l’existence d’un hébergement. Les résidences services prévues par l’article L.631-13 du Code de la construction et de l’habitation ou toute autre résidence répondant à ces conditions particulières d’exploitations sont concernées. Ainsi, l’existence de services ne définit pas systématiquement une activité de type hôtelier ou touristique. Le caractère dédié de la résidence et les conditions d’occupation priment donc dès lors toutefois que l’occupation présente une certaine pérennité.
Enfin, la durée de l’occupation importe. Les hôtels et hébergements touristiques sont destinés à accueillir une clientèle de passage. Aucune précision n’est apportée sur la durée de ce passage. Cette durée est bornée par des frontières extrinsèques : d’une part, le Code du tourisme se réfère pour qualifier les meublés de tourisme à une location à la journée, semaine ou au mois (« les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».). D’autre part, la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs définit la résidence principale comme le logement occupé au moins huit mois par an. Le seuil entre l’occupation pérenne caractérisant le logement des ménages et l’occupation de passage se situe donc entre ces deux frontières. Ainsi, des services pourront également accompagner les constructions destinées au logement principal ou secondaire (dès lors que l’occupation est exclusive). La résidence services sera alors à destination d’habitation. Bien évidemment, la durée de l’occupation déterminera également la soumission ou non de la résidence à la législation des établissements recevant du public.
Le droit de l’urbanisme exige, on le voit, un travail de qualification sur mesure.