L’inflation « post-covid » a déjà marqué le droit des baux commerciaux avec la loi n° 2022-158 du 16 août 2022 pour la protection du pouvoir d’achat instaurant une mesure de « bouclier » destinée à limiter les hausses de loyers liées aux clauses d’indexation dans les baux commerciaux. Cette mesure temporaire était applicable à certains locataires de type « PME » en prévoyant que, pour les indexations réalisées sur la base de l’indice des loyers commerciaux (ILC) du 2e trimestre 2022 au 1er trimestre 2023, la variation de loyer ne devait pas dépasser 3,5 %. Elle devrait être reconduite jusqu’à fin mars 2024.
Ce dispositif exclut, de fait, de nombreux preneurs et tous les baux commerciaux faisant référence à l’indice du coût de la construction (ICC) ou à l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT). Toutefois, du fait des hausses importantes des indices ILC (1), ILAT et ICC ces derniers trimestres, de nombreuses actions en révision des loyers pourraient être initiées dans le futur sur le fondement de l’article L.145-39 du Code de commerce.
Rappel des conditions de mise en œuvre de la révision légale du loyer
Pour être mise en œuvre, la révision du loyer fondée sur l’article L.145-39 du Code de commerce suppose la réunion de deux conditions :
– la présence d’une clause d’indexation dans le bail ; et
– une augmentation ou diminution du loyer de plus de 25 % par rapport au loyer précédemment fixé (loyer initial, loyer de renouvellement, dernière révision du loyer, etc.) (2).
Certains baux prévoyant une indexation du loyer en fonction de la variation de l’ICC sont déjà susceptibles de remplir ces conditions. Il conviendra de surveiller également les évolutions prochaines des indices ILC et ILAT qui pourraient ouvrir des actions en révision des loyers sur le fondement de l’article L.145-39 du Code de commerce.
Lorsque les conditions de la révision sont réunies, l’une des parties au bail peut notifier à l’autre partie, sans condition de délai, une demande de révision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire (3). Cette demande précisera, à peine de nullité, le montant du loyer demandé.
Sauf à ce qu’un accord intervienne entre les parties, il sera possible de saisir le juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer révisé. L’action en fixation du loyer révisé devra être introduite dans le délai de deux ans (4), à compter de la demande de révision, soit à compter du jour de signification de l’acte extrajudiciaire ou du jour de l’expédition de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception (5).
La pertinence d’une demande de révision du loyer dépendra de la valeur locative « statutaire » des locaux loués, laquelle est déterminée, à défaut d’accord entre les parties conformément à l’article L.145-33 du Code de commerce, d’après :
« 1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité ;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; »
Si cette valeur est inférieure au dernier loyer indexé, une action en révision du loyer pourrait s’avérer pertinente pour le locataire. A l’inverse, si la valeur locative « statutaire » est supérieure au dernier loyer indexé, l’action en révision pourra être envisagée par le bailleur.
En cas de révision légale du loyer à la baisse, les clauses du bail encadrant le loyer de renouvellement et le lissage légal de la variation du loyer n’auront pas vocation à s’appliquer
Il peut être utile de rappeler que dans l’hypothèse d’une révision du loyer à la baisse, les stipulations du bail en matière de fixation du loyer de renouvellement, qui sont souvent favorables aux bailleurs, ne s’appliqueront pas (6). De même, il ne sera pas fait application du mécanisme de lissage de 10 % qui avait été instauré par la loi Pinel. Cette solution est particulièrement favorable aux preneurs. Elle fait en revanche peser un risque important de perte de rendement pour les bailleurs. Ce sujet devra donc nécessairement être anticipé par les deux parties dans le cadre des négociations amiables à la suite d’une demande de révision.
1. Le décret n° 2022-357 du 14 mars 2022 avait pourtant modifié la formule de calcul de l’indice ILC en supprimant la composante « chiffre d’affaires du commerce de détail » et ce afin de contenir la hausse des loyers commerciaux.
2. Si le loyer est un loyer variable avec un loyer minimal garanti, sauf clause contraire, le loyer minimal garanti ne pourra faire l’objet d’une révision en application des dispositions de l’article L.145-39 du Code de commerce (en ce sens : Cass. civ. 3e, 5 mars 2013,
n° 11-28.461)
3. Article R. 145-25 du Code de commerce.
4. Article L.145-60 du Code de commerce.
5. Cass. civ. 3e, 7 novembre 1990, n°89-12922 / Cass. civ. 3e, 13 février 2002, n°00-17667.
6. TGI Paris, 7 novembre 2012, n° 10/09762