Si l’essor de l’activité de coworking remonte maintenant à plusieurs années, la fiscalité locale peine encore à en définir un traitement uniforme.
La multiplication des offres d’espace de coworking témoigne du dynamisme de ce secteur. Les modalités de mise à disposition de ces espaces de travail partagés d’exercice peut varier tant par la durée de leur utilisation, qui va de l’occupation annuelle à la tarification horaire, que par le panel des services accessoires qui peut y être associé.
La diversité des formules de coworking suscite plusieurs questions en matière de fiscalité locale.
La désignation du redevable de la CFE
La première d’entre elles concerne l’identification du redevable de la cotisation foncière des entreprises (CFE) à raison des espaces de coworking. En effet, la CFE est due par celui qui exerce au 1er janvier de l’année une activité professionnelle non salariée, au titre des surfaces dont il a la disposition privative et exclusive. Or, qui de la société de coworking ou de l’utilisateur doit être considéré comme le véritable exploitant de ces espaces de travail partagés ?
Ainsi, la désignation du redevable de la CFE va dépendre des stipulations contractuelles qui vont permettre ou non la caractérisation du caractère privatif et exclusif de la disposition des locaux par l’utilisateur. Il s’agira notamment des clauses relatives à la durée de la mise à disposition, des locaux utilisés (fixité du bureau attribué), de leur privatisation (bureau verrouillable), de leur accessibilité (existence de contrainte horaire d’ouverture et de fermeture du site).
La qualification des surfaces …
La seconde question qui se pose en matière de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux, locaux de stockage et surfaces de stationnement en Ile-de-France (TSB) (1) est celle de la qualification des surfaces de coworking en bureaux ou en surface commerciale.
De cette qualification va dépendre le tarif applicable à ces surfaces ainsi que le seuil d’assujettissement qui est de 100 m² pour les bureaux et de 2 500 m² pour les locaux commerciaux.
Si la cour administrative d’appel de Paris (2) a considéré que les surfaces de coworking relevaient des locaux à usage de bureaux, le tribunal administratif de Paris (3) a jugé quelques jours plus tard qu’au contraire ces surfaces devaient être qualifiés de locaux commerciaux.
La contradiction n’est toutefois qu’apparente puisque l’examen des motivations de ces décisions révèle que la qualification commerciale est subordonnée à l’existence de prestations accessoires à la mise à disposition d’espaces de travail.
… et l’importance des prestations accessoires
C’est l’existence de ces prestations accessoires qui conduit à considérer que le contrat évolue d’une simple mise à disposition d’espace de bureau à une prestation commerciale plus globale (accueil, secrétariat, accès à des salles de réunion, à des espaces de détente, à un service de restauration, à des équipements télématiques, possibilité de recevoir ses propres clients, etc.).
On comprend aisément que les réponses apportées à ces deux questions vont dépendre de l’analyse par les juridictions d’un faisceau d’indices. Cette appréciation étant largement subjective, gageons qu’elle sera source de solutions contradictoires.
Enfin, il importe de garder à l’esprit que les différentes taxes locales sont interconnectées :
la qualification de l’activité en TSB sera de nature à modifier le paramétrage servant à l’évaluation des bases imposables en taxe foncière et en CFE ou induire des régularisations en matière de taxe pour création de bureaux.
Le traitement du coworking en matière de fiscalité locale suppose donc un examen au cas par cas des contrats mais implique surtout une réflexion d’ensemble au regard de ses différentes composantes.
1. Article 231 ter du CGI.
2. CAA Paris, 5e chambre, 10 novembre2022, 21PA04670.
3. TA Paris, 29 novembre 2022, n° 2113114.