Les opérations d’acquisition, de financement ou de refinancement constituent en elles-mêmes des sources de responsabilités pour ceux qui les décident (engagements financiers, sûretés à consentir, négociation d’une dette bancaire, «debt-push-down», etc.). S’agissant de la SAS, qui est la forme sociétaire privilégiée pour les opérations d’investissement et d’acquisition, notamment de type LBO, il doit être rappelé que la loi laisse une totale liberté dans le choix de l’organe de direction (1).
Par Alexandre Delhaye, avocat en corporate-M&A.
Il est très habituel que la gouvernance d’une SAS soit composée d’un président qui dispose du pouvoir d’engager la société et d’un organe statutaire de type comité de surveillance ou comité stratégique, comprenant des membres représentant les investisseurs, et dont l’objet est de permettre à ces derniers de contrôler la gestion de la société et, ainsi, de surveiller leur investissement. Qu’en est-il du régime de responsabilité des membres de ces organes ? A défaut d’un régime de responsabilité prévue par le code de commerce, leur responsabilité s’apprécie sous l’angle de celle du dirigeant de fait. Celui-ci s’expose, en matière civile, à la responsabilité délictuelle de droit commun prévue à l’article 1382 du Code civil, ce qui diffère de celle du dirigeant de droit, alors que, en matière pénale, il s’expose aux mêmes sanctions que ce dernier. Les sanctions en matière de procédure collective concernent quant à elles indifféremment le dirigeant de fait et le dirigeant de droit.
Il doit être noté que le régime de responsabilité des dirigeants de fait demeure à plusieurs égards moins favorable que celui du dirigeant de droit (prescription plus longue et risque de condamnation «in solidum» avec les dirigeants de droit). Cela étant, il est nécessaire de rappeler que les contours de la direction de fait ne sont pas clairement établis. Nous pourrions tenter de définir le dirigeant de fait comme étant celui qui, dépourvu d’un mandat social, s’immisce dans la gestion de manière effective, l’administration ou la direction d’une société et exerce, en toute souveraineté et indépendance, une activité positive de gestion et de direction (2). La qualification de dirigeant de fait nécessitera donc la démonstration de ces critères qui peut s’avérer délicate hormis dans le cas de comportements individuels imprudents (ex : interventions directes auprès de tiers, mandat apparent, etc.).L’étendue des pouvoirs conférés à un organe statutaire est un élément essentiel dans l’appréciation de la direction de fait.
En effet, le rôle de ce type d’organe peut être simplement «consultatif», voire «interventionniste», en fonction des décisions qui devront être préalablement soumises audit conseil ou comité et qui nécessiteront donc l’intervention et le vote de ses membres. Les principales précautions à prendre (3) pour réduire ce risque seraient de limiter le champ de compétences de l’organe statutaire à la surveillance de la gestion de la société, d’éviter toute intervention individuelle des membres vis-à-vis du président, des tiers ou des salariés, de limiter les droits de veto, de limiter les décisions sur lesquelles l’organe statutaire devra se prononcer à celles qui sont justifiées par la protection de l’investissement, mais aussi de motiver systématiquement toute position prise par les investisseurs au regard de son impact sur l’investissement.
(1). Art. L. 227-5 du code de commerce.
(2). Définition constante de la Cour de cassation qui exerce un contrôle sur les motifs utilisés par les juges du fond pour qualifier la direction de fait, voir par ex. Cass. com. 4 mars 2003, n° 01-01.115.
(3). Voir en ce sens, l’ouvrage «LBO», 2e édition,
Ed. F. Lefebvre, p. 36, n°71.