La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2014

L’action de préférence dans la SAS : opportunité ou futilité ?

Publié le 24 mars 2014 à 11h36    Mis à jour le 24 mars 2014 à 18h12

Arnaud Hugot et Virginie Corbet-Picard

La faculté prévue par les articles L. 228-11 et suivants du code de commerce de créer des actions de préférence (ADP) constitue une formidable opportunité puisqu’elle permet de singulariser et de nuancer les droits attachés à certaines actions.

Par Arnaud Hugot, et Virginie Corbet-Picard, avocats en corporate-M&A.

Toutefois, ce dispositif présente-t-il le même intérêt lorsqu’il s’agit de le mettre en place dans une SAS, forme sociale qui, par essence, offre déjà une grande liberté statutaire ? La SAS offre en effet dans certains cas plus de souplesse que les ADP. A titre d’exemple, elle permet de définir, dans les statuts, des droits au profit de personnes même non associées de la société, notamment pour la désignation des organes de direction. Les droits attachés aux ADP ne peuvent de leur côté concerner, par hypothèse, que des associés de la société (détenteurs des ADP). Autre exemple : si une partie de la doctrine considère qu’il n’est pas possible de créer des ADP à droit de vote multiple dans une SAS, il n’est aucunement contesté que ce type de droit peut être prévu dans les statuts d’une SAS.

Par ailleurs, la SAS permet d’accorder à certains associés des prérogatives, en matière notamment de gestion ou de décisions collectives, attachées à la personne et non aux actions détenues. Les droits ainsi créés ne se transmettent pas avec les actions. Il demeure toutefois des situations où la création d’ADP apporte indéniablement un avantage par rapport à ce que permet – ou ne permet pas – la flexibilité statutaire de la SAS. Tout d’abord, l’octroi d’avantages pécuniaires à certaines catégories d’actions passe en principe par la création d’ADP. De même, seule la création d’ADP permet d’octroyer à des associés des droits exerçables dans une autre société (mère ou filiale de la société émettrice des ADP). On pense en particulier ici aux «actions traçantes» (ou «actions reflet») donnant par exemple des droits sur les dividendes d’une filiale.

Par ailleurs, la possibilité d’organiser la conversion des ADP est également un outil remarquable d’aménagement de la liquidité de l’investissement des porteurs de ce type d’actions, sous réserve que la société émettrice soit dotée de réserves suffisantes pour permettre la libération de l’augmentation de capital requise, le cas échéant, par la conversion des ADP. Au niveau des droits non financiers, la suppression du droit de vote n’est possible dans une SAS qu’au travers de la création d’ADP. Au-delà des prérogatives que seul le mécanisme de l’ADP permet de mettre en place, notons aussi la possibilité de lier le droit – ou, le cas échéant, l’obligation particulière – à la détention du titre et non à la personne de l’associé. Cela autorise une grande flexibilité dans la transmission ou non du droit à d’éventuels autres bénéficiaires : selon l’objectif recherché, il peut être prévu que l’ADP se transmette librement avec les droits qui lui sont attachés ou, à l’inverse, que tout transfert d’ADP soit un cas de conversion desdites ADP en actions ordinaires.

Il reste que, dans certaines situations, ni l’ADP ni la liberté statutaire de la SAS ne semblent apporter une solution emportant l’adhésion de tous. Ainsi, s’il est possible de prévoir que l’ADP donnera droit à une répartition inégalitaire du boni de liquidation de la société, certains sont en revanche réticents quant à retranscrire dans les statuts une répartition inégalitaire entre associés du produit de la cession des titres de la société, même par le biais de la création d’ADP. Pour ces derniers, un tel accord ne concerne en rien la société et trouve par conséquent difficilement sa place dans les statuts. Il peut être préféré, dans ce cas, de prévoir dans un pacte entre associés, que les produits de cession seront répartis entre les cédants selon les règles de répartition prévues dans les statuts pour le boni de liquidation, permettant ainsi d’atteindre l’objectif recherché.

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Au sommaire de la lettre


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Les statuts de la SAS : une liberté illimitée pour le rédacteu

Thomas Bortoli

L’extraordinaire succès rencontré par la SAS réside notamment dans la grande souplesse laissée à ses associés dans la rédaction des statuts : là où le code de commerce consacre plus de 270 articles à la SA (partie législative), le législateur s’est contenté d’une vingtaine de dispositions pour la SAS et d’un renvoi à certaines règles applicables aux SA.

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