La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2014

La SAS, outil de sécurisation des créanciers financiers structurés

Publié le 24 mars 2014 à 11h54    Mis à jour le 24 mars 2014 à 18h12

Grégory Benteux et Alexandre Bordenave

La principale caractéristique de la SAS tient, sans doute aucun, à la large place qu’elle laisse à la volonté commune des associés qui peuvent, assez librement, aménager son fonctionnement dans ses statuts. Cette liberté statutaire est mise en œuvre dans certains financements d’importance afin de sécuriser les créanciers financiers.

Par Grégory Benteux, avocat associé, droit bancaire et financier et Alexandre Bordenave, avocat.

conclure par la SAS d’autres opérations de financement ou encore de contracter des engagements dépassant un plafond. Quoiqu’elles soient dissuasives pour les dirigeants, qui exposeraient leur responsabilité à ne pas les respecter, ces clauses voient leur efficacité limitée par l’article L. 227-6 al. 4 du code de commerce qui prévoit que «les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers» (1). Concrètement, cette disposition empêche, en principe, la SAS de se soustraire à ses engagements en excipant du défaut de pouvoir du dirigeant ayant violé une clause statutaire limitant ses pouvoirs. En revanche, rien n’indique avec certitude que les prêteurs pourraient se prévaloir des dispositions statutaires susmentionnées pour poursuivre l’annulation d’actes auxquels ils ne sont pas parties et qui auraient été conclus sans respecter les limitations de pouvoirs au sein de la SAS.

Il faut signaler toutefois que la Cour de cassation a récemment ouvert de légères brèches à cet égard (2). En second lieu, une SAS peut être dotée d’un organe statutaire de contrôle, tel un conseil d’administration ou un comité stratégique ou de contrôle, au sein duquel les créanciers financiers peuvent se faire attribuer un rôle. En termes pratiques, cela leur permet non seulement de s’assurer régulièrement de la bonne marche du véhicule portant la dette, mais également, si cet organe a pour mission de contrôler le respect des clauses limitatives de pouvoirs dont il a été précédemment question, d’être consultés sur les décisions concernées par ces clauses. Ceci étant, ce contrôle doit s’exercer dans des conditions ne privant pas les créanciers du bénéfice de l’article L. 650-1 du code de commerce. Ce texte prévoit que les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des crédits consentis, sauf notamment en cas d’immixtion caractérisée dans la gestion de l’entreprise débitrice.

Aussi, le rôle des créanciers au sein de cet organe statutaire pourrait être cantonné à celui d’un censeur, de sorte que, ne participant alors pas activement à la gestion de la société, leur responsabilité resterait plus difficile à rechercher. Au final, malgré son appréciable plasticité, la SAS présente quelques imperfections en tant qu’outil de sécurisation des intérêts des créanciers dans les financements d’acquisition. Ces imperfections peuvent parfois donner l’impression, amère au goût des sponsors de l’opération, que le procédé tient bien plus de la figure imposée que la panacée.

(1). Même si l’article en question ne vise que les restrictions aux pouvoirs du président, une partie de la doctrine s’accorde pour considérer que les clauses restreignant les pouvoirs des éventuels directeurs généraux et directeurs généraux délégués de la SAS sont régies par la même règle d’inopposabilité aux tiers.

(2). Cass. Soc., 15 février 2012, n°10-27.685 ou encore Cass. com., 13 nov. 2013, n° 12-25.675.

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