L’extraordinaire succès rencontré par la SAS réside notamment dans la grande souplesse laissée à ses associés dans la rédaction des statuts : là où le code de commerce consacre plus de 270 articles à la SA (partie législative), le législateur s’est contenté d’une vingtaine de dispositions pour la SAS et d’un renvoi à certaines règles applicables aux SA.
Par Thomas Bortoli, avocat en corporate-M&A.
La liberté laissée aux rédacteurs des statuts est donc étendue, mais connaît toutefois certaines limites trouvant notamment leur fondement dans le droit commun des sociétés : cet axiome peut être illustré à travers différents exemples jurisprudentiels ou doctrinaux récents.
Une liberté étendue pour les rédacteurs des statuts…
Deux illustrations récentes en matière de clauses statutaires d’agrément et d’exclusion sont venues rappeler la grande liberté laissée aux rédacteurs de statuts de la SAS. L’Association nationale des sociétés par actions (ANSA) s’est interrogée sur l’applicabilité de la clause statutaire d’agrément d’une SAS aux transferts d’actions résultant d’une succession (ANSA, Comité juridique du 1er décembre 2010 n° 10-070). A titre de règle générale, dans les sociétés par actions, l’article L. 228-23 du code de commerce écarte du champ d’application de la clause d’agrément les transferts consécutifs à une succession ou liquidation de communauté. La question examinée par l’ANSA était de savoir si, dans les SAS, l’article L. 227-14 du même code («les statuts peuvent soumettre toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société») permettait de s’affranchir de cette restriction.
L’ANSA a alors répondu positivement à cette interrogation, en rappelant expressément le principe de la liberté statutaire dans les SAS. Dans un arrêt du 20 juin 2013 (CA Paris, pôle 5, ch. 9, 20.06.2013 – n°13/03892), la cour d’appel de Paris était appelée à se prononcer sur la validité d’un fait générateur statutaire d’exclusion en cas de démission d’un associé des fonctions de dirigeant qu’il occupait par ailleurs. Dans un considérant général, la Cour rappelle que l’exclusion d’un associé d’une SAS est possible dans les conditions prévues par les statuts, les associés étant alors libres de déterminer les critères statutaires susceptibles de constituer un fait générateur d’exclusion.
… mais qui connaît certaines limites
Si elle est grande, la liberté des rédacteurs des statuts d’une SAS n’est pour autant pas illimitée. Dans deux arrêts rendus le 9 juillet 2013 (Cass. com 09.07.2013 – n° 11-27.235 et n° 12-21.238), la Cour de cassation a précisé le régime juridique de clauses statutaires d’exclusion privant l’associé dont l’exclusion est envisagée du droit de vote sur sa propre exclusion. Si la Cour avait déjà eu l’occasion de condamner ce type de stipulations (Cass. com. 23.10.2007 – n° 06-16.537) au visa de l’article 1844 du Code civil, elle est venue préciser dans ses arrêts de juillet 2013 qu’une telle clause devait être considérée comme non écrite dans son ensemble, que la décision d’exclusion subséquente devait être annulée et que l’associé concerné devait être réintégré dans ses droits.
Allant plus loin, la Cour sous-entend même qu’aucune exclusion n’est possible tant que la clause litigieuse n’a pas été amendée, modification nécessitant l’accord de l’ensemble des associés (et donc de l’associé dont l’exclusion a été abusivement décidée…). Ces illustrations viennent donc rappeler le soin particulier qu’il doit être apporté à la rédaction des statuts d’une SAS, d’autant que l’un des arrêts de juillet 2013 souligne que le juge ne peut en aucune manière se substituer aux organes de la SAS pour ordonner la modification d’une clause statutaire contraire aux dispositions légales impératives.