Les rédacteurs de l’ordonnance du 10 février 2016 ont voulu, en introduisant la cession de dette en droit français, sécuriser une figure admise (not. Cass. civ. 1e, 30-4-2009, n° 08-11093) mais largement pratiquée par des voies détournées : délégation imparfaite le plus souvent, novation par changement de débiteur parfois, voire stipulation pour autrui. Si sa consécration a été saluée, la jurisprudence ne semble pas l’avoir croisée et la pratique, à notre connaissance, s’en saisit rarement. Selon certains, ce sont les limites de son régime qui expliquent que l’on délaisse le mécanisme. Pour d’autres, bien que ses utilités soient restreintes, elle peut être un outil pour certaines opérations.
Les figures
La cession de dette est une opération tripartite, qui emporte transfert d’une charge d’un débiteur cédant à un débiteur cessionnaire, avec l’accord du créancier cédé (C. civ., art. 1327). En dépit de sa parenté évidente avec la cession de créance (l’écrit est d’ailleurs exigé sous peine de nullité dans les deux cas), cette technique n’en est pas le « négatif ». Sa validité est en effet subordonnée à l’accord du créancier cédé, qu’il peut donner, en intervenant à l’acte de cession ou, par avance, mais à la condition, pour son opposabilité, qu’elle lui soit notifiée ou qu’il en prenne acte (art. 1327-1). Cette spécificité s’explique par la volonté de ne pas soumettre le créancier aux agissements de son débiteur, la plupart des contrats de crédits interdisant d’ailleurs expressément au débiteur toute cession de ses droits et obligations au titre du financement. La préoccupation est telle, que sauf consentement supplémentaire et exprès du créancier, le cédant reste solidairement tenu au paiement de la dette (art. 1327-2). Aussi, il existe deux figures de cession de dette, selon qu’elle est, ou pas, libératoire : la parfaite ou l’imparfaite. Cela rapproche le mécanisme d’une cession de contrat, mais l’identité s’arrête là : le cessionnaire de la dette ne devient pas cocontractant du cédé.
Le régime
On ne peut nier que la délégation imparfaite est plus sécurisante pour le créancier que ne l’est la cession de dette, même non libératoire, puisqu’elle autorise le débiteur cédant et celui substitué à opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette et celles qui leur sont personnelles (art. 1328). Pour autant, la cession non libératoire a l’avantage d’offrir au créancier la solidarité du cédant, avec ses effets secondaires, ce qui peut rendre des services (interruption de la prescription par exemple). Elle permet en outre le transfert des sûretés (art. 1328-1), contrairement, par exemple, à la novation, même si la délégation ne pose pas le problème.
Les utilités
En laissant de côté les libéralités, la défaisance et le paiement indirect du cédant par le cessionnaire, la cession de dette présente des utilités qui ne sont pas à négliger. D’abord, elle autorise, directement, l’adjonction de telle ou telle charge à la cession d’un actif isolé ; ce qui, par exemple, permet une compensation de dettes pourtant non réciproques :
i) entre le prix de cession d’actions et la dette d’apport du cédant ;
ii) entre le prix d’un fonds de commerce et une ou plusieurs dettes d’exploitation du cédant ;
iii) entre la rémunération d’un apport en nature et la dette inhérente au bien apporté. Ensuite, on pourrait imaginer, sous certaines conditions, que la cession soit l’occasion d’un transfert du risque de crédit initialement porté par une filiale en qualité d’emprunteur vers une holding, garante, dont les capacités de remboursement seraient plus solides. Des usages que l’on suppose, mais qui restent encore à ce jour, par rapport à d’autres figures, délicats à appréhender. Au-delà, on voit difficilement, par exemple, que la cession de dette soit employée à des fins de refinancement, là où la subrogation conventionnelle suffit.