En matière de financement d’entreprise, la question du partage de valeur intéresse particulièrement les emprunteurs et les créanciers.
Si la valeur du ou des actifs détenus par l’entreprise à financer sous-tend largement la décision d’octroi ou non d’un financement, les créanciers financiers sont également attentifs aux droits que d’autres pourraient détenir sur cette même valeur.
La question se pose notamment lorsque l’emprunteur a recours à une dette hybride combinant plusieurs types de financement et donc plusieurs catégories de créanciers financiers amenées à réfléchir au partage de leurs droits respectifs sur la valeur détenue par l’entreprise financée.
L‘intérêt de diversifier ses sources de financement
Dans le contexte économique actuel, les emprunteurs de type PME et ETI rencontrent certaines difficultés pour se financer dans les conditions, notamment de taux et de montant, qui étaient les leurs jusqu’à il y a peu. Il peut alors être dans l’intérêt de ces sociétés de diversifier leurs sources de financement, en associant à une dette bancaire senior un financement complémentaire tel qu’une dette obligataire désintermédiée de type Euro PP. Ce type de financement complémentaire se distingue du financement bancaire classique à plusieurs niveaux : notamment, le remboursement a lieu in fine, les maturités sont souvent plus longues et les investisseurs peuvent être de nature différente des prêteurs bancaires classiques. En pratique, ce type de financement mixte qui consiste à faire co-exister financements bancaire et obligataire pourra être mis en place si le montant levé auprès des seuls prêteurs bancaires est insuffisant pour financer l’intégralité du projet de la société, ou encore si la société souhaite restructurer son endettement financier en associant une dette bancaire senior amortissable et un placement privé obligataire remboursable in fine de maturité plus longue.
Dans ce schéma, des garanties sont souvent exigées et mises en place pour sécuriser le double financement, cela afin de permettre aux créanciers financiers de pouvoir prendre la main et se désintéresser sur les actifs de l’emprunteur en cas de non-paiement des sommes dues par, ou de faillite de, l’emprunteur.
La mise en place des tranches d’endettement
Du point de vue de la mécanique contractuelle, les deux tranches d’endettement peuvent être mises en place simultanément ; le partage des sûretés entre les créanciers financiers pourra alors s’organiser directement dans l’acte de sûreté. Si la dette bancaire, et c’est souvent le cas, a été mise en place en priorité, l’emprunteur devra d’abord obtenir l’accord de ses banquiers prêteurs sur l’émission du financement obligataire privé et le partage des sûretés existantes. Dans ce cas, les sûretés consenties aux obligataires seront des sûretés de second rang, et la signature d’un contrat intercréanciers entre prêteurs bancaires et obligataires permettra de «remettre au même rang» (i.e. au premier rang) les deux catégories de créanciers et de décrire la mécanique de partage retenue.
A condition que la valeur du ou des actifs concernés de l’emprunteur soit suffisamment importante pour couvrir l’ensemble des dettes envers les créanciers financiers, la mise en place d’un partage de sûretés peut s’avérer être une solution intéressante pour l’ensemble des parties impliquées. S’agissant des créanciers bancaires et obligataires, ils s’assurent ainsi chacun, en cas de besoin, un droit direct sur une partie de la valeur d’entreprise de l’emprunteur (titres de société, actifs immobiliers, stocks, créances, etc.), au prorata de leurs créances respectives et sans subordination structurelle possible. Mais l’option est également intéressante pour l’emprunteur qui peut diversifier ses sources de financement en accordant les mêmes sûretés (i.e. portant sur la totalité ou la même partie de la valeur qu’il détient) à plusieurs catégories de prêteurs – le partage de valeur du ou des actifs concernés pourra donc générer un effet de levier pour l’entreprise dans sa recherche de financement.