La Cour de cassation applique à la clause de bad leaver le régime de la clause pénale. Il est en conséquence nécessaire de démontrer l’excès manifeste en considération du préjudice subi par le bénéficiaire. Un arrêt avec une portée pratique à relativiser.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu, le 21 juin 2023, un arrêt sur l’application d’une clause de bad leaver dans une promesse unilatérale de vente et en particulier sur la qualification de clause pénale de cette clause de bad leaver.
Dans les faits, la holding d’un dirigeant d’une société par actions simplifiée avait conclu une promesse unilatérale de vente au bénéfice des autres associés de la société exerçable en cas de révocation du dirigeant (directeur général). Le prix d’exercice en cas de bad leaver était équivalent au prix de souscription des actions avec application d’une décote de 20%. Estimant qu’il avait subi un dol lors de l’apport des actions de la société à sa holding et de la conclusion de la promesse de vente, le dirigeant a introduit une action contre la société tendant à la nullité de l’apport et de la promesse, action qui fut déclarée irrecevable.
L’assemblée générale de la société décida alors de révoquer le dirigeant au motif que cette action en justice constituait une faute grave et les bénéficiaires de la promesse sollicitèrent sa mise en œuvre.
Au visa de l’article 1844-1 du Code civil, la Cour de cassation, après avoir affirmé que seule est prohibée la clause portant atteinte au pacte social, reprend la solution de l’arrêt Bowater du 20 mai 1986 pour préciser qu’il en résulte qu’une convention dont l’objet est, sauf fraude, d’assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux est étrangère au pacte social et est, par suite, sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux dettes dans les rapports sociaux. La clause fixant un prix d’exercice égal au prix de souscription des actions n’est donc pas léonine en ce qu’elle ne constitue pas un moyen de fixer la répartition des bénéfices et des pertes.
Au visa de l’article 6, 1 de la CESDH et de l’ancien article 1134 du Code civil, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt qui avait confirmé la révocation du dirigeant et juge que la seule circonstance tirée de l’introduction d’une action en justice à l’encontre de la société ne saurait être de nature à justifier une faute emportant la révocation d’un dirigeant. La promesse de vente indiquait que la faute était celle « créant ou susceptible de créer un préjudice grave à la société ou à une filiale ». La décision de la Cour de cassation ne remet pas en cause la révocation du dirigeant mais seulement sa justification qui entrainait l’application de la clause de bad leaver et la décote de 20 % applicable au prix d’exercice (i.e., prix de souscription).
La réduction, par la Cour d’appel, du montant de la décote de la clause de bad leaver de 20 % à 1 % au motif que cette décote était manifestement excessive compte tenu des conditions déjà très avantageuses consenties par le promettant était contestée par les bénéficiaires de la promesse de vente. La Cour de cassation, au visa de l’ancien article 1152 du Code civil, énonce que le juge peut, même d’office, modérer une clause pénale contractuelle si elle est manifestement excessive. Elle retient cependant que la Cour d’appel aurait dû caractériser l’excès manifeste en considération du préjudice effectivement subi par le promettant.
Les fameuses décisions du Conseil d’Etat en date du 13 juillet 2021 rendues en matière de management package viennent réduire la portée pratique de cet arrêt de la Cour de cassation puisque les promesses de vente leaver conclues depuis ces décisions contiennent de moins en moins de mécanismes de bad leaver, ou, à tout le moins, prévoient un prix d’exercice se rapprochant de la valeur de marché.